Les
nouveaux "sacrifices" proposés par le gouvernement hellénique sous le
regard attentif de la « Troïka » (Commission européenne, Banque centrale
européenne et FMI) frappent durement le peuple grec.
Les
dernières coupes budgétaires pour obtenir le déblocage d’une nouvelle tranche
d’aide financière des trois institutions, visent "les retraites, les
salaires et 30 000 fonctionnaires". Ces derniers seront placés en chômage
technique d’ici la fin de l’année. De plus, le seuil minimal d’imposition a été
baissé.
L’annonce
de ce nouveau plan a provoqué la colère des Grecs et la grève générale la plus
massive depuis le début de la crise car le renflouement mis en œuvre par l'UE
repart à 97% vers l'Union…
On ne
peut rester sans réagir aux diverses déclarations des plus hauts responsables
de toute l’Europe, certaines frisant l’imbécillité, au sujet de ces "
fainéants " de Grecs qui " refusent d’économiser ".
Depuis
plus d’un an, on se plaint que les plans d’économie ne fonctionnent pas parce
que les revenus fiscaux chutent. On remet en question la volonté des Grecs
d’économiser. Et pourtant, ils économisent à en crever. Voici quelques faits :
-
Réductions des salaires et des retraites jusqu’à 30%
- Baisse
du salaire minimum à 600 euros
-
Hausse des prix dramatique (fioul domestique + 100% ; essence + 100%,
électricité, chauffage, gaz, transports publics + 50 %) au cours des 15
derniers mois
- Un
tiers des 165 000 entreprises commerciales ont fermé leurs portes, un tiers
n’est plus en mesure de payer les salaires. Partout à Athènes, on peut voir ces
panneaux jaunes avec le mot "Enoikiazetai" en lettres rouges ("A
louer")
- Dans
cette atmosphère de misère, la consommation (l’économie grecque a toujours été
fortement axée sur la consommation) a plongée de manière catastrophique. Les
couples à double salaire (dont le revenu familial représentait jusqu’alors 4
000 euros) n’ont soudain plus que deux fois 400 euros d’allocations chômage,
qui ne commencent à être versées qu’avec plusieurs mois de retard…
- Les
employés de l’Etat ou d’entreprises proches de l’Etat, comme Olympic Airlines
ou les hôpitaux, ne sont plus payés depuis des mois et le versement de leur
traitement est repoussé à "l’année prochaine". C’est le ministère de
la Culture qui détient le record. De nombreux employés qui travaillaient sur
l’Acropole ne sont plus payés depuis 22 mois. Quand ils ont occupé l’Acropole
pour manifester (pacifiquement !), ils en ont rapidement eu pour leur argent, à
coups de gaz lacrymogène…
- Tout
le monde s’accorde à dire que les milliards des tranches du renflouement de
l’UE repartent à 97% directement vers l’Union, vers les banques, pour éponger
la dette et les nouveaux taux d’intérêt. Ainsi le problème est-il discrètement
rejeté sur les contribuables européens. Jusqu’au crash, les banques encaissent
encore des intérêts copieux, et les créances sont à la charge des
contribuables. Il n’y a donc pas d’argent pour les réformes structurelles.
- Des
milliers et des milliers d’auto-entrepreneurs, chauffeurs de taxis et de poids
lourds, ont dû débourser des milliers d’euros pour leur licence, et ont pris
des crédits à cet effet, mais ils se voient aujourd’hui confrontés à une
libéralisation qui fait que les nouveaux venus sur le marché n’ont presque rien
à payer, tandis que ceux qui sont présents depuis plus longtemps sont grevés
par leurs énormes crédits, qu’ils doivent néanmoins rembourser.
- On
invente de nouvelles charges. Ainsi, pour déposer une plainte à la police, il
faut payer sur le champ 150 euros. La victime doit sortir son porte-monnaie si
elle veut que sa plainte soit prise en compte. Dans le même temps, les
policiers sont obligés de se cotiser pour faire le plein de leurs voitures de
patrouille.
- Un nouvel
impôt foncier, associé à la facture d’électricité, a été créé. S’il n’est pas
payé, l’électricité du foyer est coupée.
- Cela
fait plusieurs mois que les écoles publiques ne reçoivent plus de manuel
scolaire. L’Etat ayant accumulé d’énormes dettes auprès des maisons d’édition,
les livraisons ne sont plus effectuées. Les élèves reçoivent désormais des CD
et leurs parents doivent acheter des ordinateurs pour leur permettre de suivre
les cours. On ignore complètement comment les écoles – surtout celles du Nord –
vont régler leurs dépenses de chauffage.
Où est passé l'argent des dernières décennies ?
-
Toutes les universités sont de fait paralysées jusqu’à la fin de l’année. Bon
nombre d’étudiants ne peuvent ni déposer leurs mémoires ni passer leurs
examens.
- Le
pays se prépare à une vague d’émigration massive et l’on voit apparaître des
cabinets de conseil sur la question. Les jeunes ne se voient plus aucun avenir
en Grèce. Le taux de chômage atteint 40% chez les jeunes diplômés et 30 % chez
les jeunes en général. Ceux qui travaillent le font pour un salaire de misère
et en partie au noir (sans sécurité sociale) : 35 euros pour dix heures de
travail par jour dans la restauration ! Les heures supplémentaires s’accumulent
sans être payées. Résultat : il ne reste plus rien pour les investissements
d’avenir comme l’éducation. Le gouvernement grec ne reçoit plus un sou d’impôt.
- Les
réductions massives d’effectif dans la fonction publique sont faites de manière
antisociale. On s’est essentiellement débarrassé de personnes quelques mois
avant qu’elles n’atteignent leur quota pour la retraite, afin de ne leur verser
que 60 % d’une pension normale.
La
question est sur toutes les lèvres : où est passé l’argent des dernières
décennies ? De toute évidence, pas dans les poches des citoyens. Les Grecs
n’ont rien contre l’épargne, ils n’en peuvent tout simplement plus. Ceux qui
travaillent se tuent à la tâche (cumul de deux, trois, quatre emplois).
Tous
les acquis sociaux des dernières décennies sur la protection des travailleurs
ont été pulvérisés. L’exploitation a désormais le champ libre ; dans les
petites entreprises, c’est généralement une question de survie.
Quand
on sait que les responsables grecs ont dîné avec les représentants de la troïka
(Commission européenne, BCE et FMI) pour 300 euros par personne, on ne peut que
se demander quand la situation finira par exploser.
La
situation en Grèce devrait alerter la vieille Europe. Il faut s’attaquer à la
dette tant qu’elle est encore relativement sous contrôle et avant qu’elle ne
s’apparente à un génocide financier…
(Merci
à Günter Tews, habitant d'Athènes)
Photo Creative Commons
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