06 juillet 2012

Retraite à 60 ans : une mesurette destinée avant tout à masquer l’entérinement des réformes Balladur et Fillon…

La cuillère à café est un ustensile de table servant à remuer le sucreLe décret qui ramène la retraite à 60 ans pour les personnes dites à « carrière longue » ayant commencé à travailler à 18 ou 19 ans semble une bonne nouvelle pour ceux qui vont bénéficier de cette mesure.

Mais pour le plus grand nombre de salariés, le compte n’y est pas car cette décision gouvernementale ne remet absolument pas en cause les réformes Balladur et Fillon…


La mesure de retraite à 60 ans pour ceux ayant commencé à travailler tôt touchera finalement peu de monde, 100 000 personnes environ. Par ces temps de crise économique, les périodes de chômage sont en effet relativement nombreuses et seul un nombre de salariés de plus en plus restreint parviendra dans l’avenir à avoir 40, 41 ou 42 annuités de carrière réelle.

Ce décret n’est en fait qu’une extension d’un an du dispositif Fillon "carrières longues". C’est d’ailleurs pourquoi le gouvernement est relativement serein quant aux moyens financiers à dégager pour cette pseudo réforme car ceux-ci seront relativement minimes. 

Que dit le projet de loi ?


« Pourront partir à la retraite les personnes ayant cotisé la durée requise pour leur génération, soit 41 ans pour les personnes atteignant 60 ans en 2012.  

Comme dans le dispositif actuel, la durée prise en compte comprendra les périodes de maladie, maternité et accident du travail d’une part, et de service militaire de l’autre, dans la limite de quatre trimestres pour chacune d'entre elles sur l'ensemble de la carrière. Afin de tenir compte de l’impact de la maternité sur les carrières des femmes, deux trimestres supplémentaires de maternité seront pris en compte. En outre, afin de ne pas pénaliser les personnes ayant connu des accidents de carrière, seront intégrés à la durée prise en compte deux trimestres supplémentaires de chômage ».

Autrement dit, pour un salarié en longue maladie (pouvant aller de 6 à 36 mois) ou au chômage plusieurs fois au cours de sa vie, on ne prendra en compte en tout et pour tout que 4 trimestres dans le premier cas et 2 trimestres dans le second cas alors que toutes les périodes de maladie, chômage, accident de travail ou maternité devraient prises en compte comme c'est le cas actuellement dans le cadre d'un départ normal à la retraite ! 

L’allongement de la durée de cotisation au-delà de 40 annuités est en fait incompatible avec le maintien de l’âge légal à 60 ans. La seule solution réaliste consisterait à permettre à tous de partir à la retraite dès lors que le nombre d’annuités est atteint et ce sans condition d’âge mais en revenant au minimum à 40, voire même à 37,5 annuités comme c’était le cas avant la réforme Balladur.

Quid des réformes Balladur et Fillon ?


En plus de la question cruciale du nombre d’annuités, le gouvernement de François Hollande n’entend pas non plus revenir sur d’autres points particulièrement négatifs des réformes précédentes Balladur et Fillon :
  • Le salaire annuel moyen (SAM), qui était calculé jusqu’en 1993 sur les 10 meilleures années, est calculé maintenant sur les 25 meilleures, ce qui s’est traduit à la fin des quinze années au cours desquelles s'est étalée cette réforme par une baisse de près de 20% du montant moyen des retraites du régime général !
  • L’indexation annuelle automatique des pensions, qui était initialement calculée à partir de l’indice d’augmentation du salaire moyen, est basée aujourd'hui sur l’indice officiel des prix, datant de 1946 et ne reflétant pas, loin s’en faut, la réalité de l’évolution des prix. Cela entraîne chaque année une seconde dévalorisation du montant des pensions, déjà amputées de la CSG et de la CRDS.
  • Le mécanisme de fixation et de revalorisation du plafond de la Sécurité sociale entraîne lui aussi une érosion du montant des pensions maximales servies. Ainsi, un salarié ayant 25 années de carrière avec un salaire au plafond (3031 € par mois au 1er janvier 2012) et par ailleurs le nombre d’annuités pour une retraite à taux plein devrait toucher normalement 50% du plafond en vigueur au moment de son départ à la retraite, soit 1515 € en 2012. Or, à cause de ce mécanisme très particulier sans lien direct avec l’augmentation des salaires, l’indice des prix et la revalorisation des pensions, il en touchera  environ 43 %, soit 1303 €, sans que les pouvoirs publics s’émeuvent le moins du monde de ce pourcentage qui baisse d’année en année. Le montant de la pension maximale tend ainsi à se rapprocher progressivement de la pension minimale garantie…
Puis la loi «Fillon» du 21 août 2003, avalisée naïvement par trois organisations syndicales (CFDT, CFTC et CFE-CGC), a aggravé encore la situation :
  • Allongement progressif de la durée d’assurance pour obtenir une pension à taux plein de 50% à 60 ans (41 ans en 2012, si nécessaire 42 ans en 2020) 
  • Réduction progressive à 5% par année manquante d’ici à 2013 de la décote en cas de liquidation avant 65 ans sans réunir les conditions du taux plein. 
Ainsi, avec ces deux "réformes", la retraite nette moyenne (Régime général + Régime complémentaire) devrait baisser environ de 19 points (59 % du salaire annuel net) aux environs de 2030 alors qu’elle s’élevait à 78 % du salaire moyen net en 1993…

Quid de la modification de l’assiette des cotisations et de la fusion impôt sur le revenu / CSG ?


Le PS et la gauche en général ont toujours beaucoup de mal à admettre que le financement par le biais de cotisations sur salaires a atteint ses limites. Si cela a relativement bien fonctionné pendant les «trente glorieuses», l’assiette salariale est aujourd'hui largement inappropriée car les salaires ne reflètent pas forcément la réalité et la totalité des revenus perçus, tels que déclarés à l’administration fiscale. 

La part des salaires dans la richesse produite chaque année ayant baissé de 10 points ces trente dernières années et les différentes prestations maladie, familiales ou vieillesse étant accessibles à tous les citoyens, le principe de solidarité nationale exigerait que soient mis à contribution l’ensemble des revenus des personnes physiques. L’actuelle CSG pourrait donc être fusionnée avec l’impôt progressif sur le revenu en constituant ainsi une sorte de cotisation universelle de Sécurité sociale.

Dans le cas particulier de la branche vieillesse, il semble toutefois difficile d’abandonner totalement les cotisations sur salaires car la retraite est basée avant tout sur le salaire perçu. Aux cotisations sur salaires actuelles pourrait donc venir se greffer une partie de ces nouvelles recettes. Un tel financement mixte existe déjà plus ou moins pour les régimes spéciaux de retraite, notamment ceux des gaziers, cheminots, agents de la RATP, financés à plus de 60% par des subventions de l’Etat. 

En ce qui concerne les cotisations des entreprises, le taux actuel s’applique là-aussi principalement sur les seuls salaires. Elles devraient être complétées en grande partie par une contribution basée sur la valeur ajoutée des entreprises. En effet, les entreprises à fort taux de main d’œuvre, avec une forte masse salariale mais une faible valeur ajoutée, se trouvent pénalisées par rapport à celles ayant une faible masse salariale mais une haute valeur ajoutée. 

Fusionner les contributions CSG et CRDS avec l'IR pour en faire un large impôt acquitté par tous sur l'ensemble des revenus serait une mesure positive car les dépenses de santé sont un bien public (au même titre que l'éducation ou la sécurité) et justifient leur prise en charge par le budget de l'Etat. Mais, après avoir fait cette proposition, François Hollande semble maintenant vouloir la repousser en fin de quinquennat. Jérôme Cahuzac, chargé du budget, l’a d’ailleurs clairement annoncé en voulant auparavant étudier tous les détails et les incidences de cette réforme... 

Faire une fusion en plusieurs étapes n'est pas forcément une mauvaise chose, à condition de préciser dans quels délais elles aboutissent à une fusion effective. Sans calendrier précis, on peut avoir des doutes sur la volonté affichée par le gouvernement ! Si un renvoi aux calendes grecques était confirmé, cela constituerait une grave erreur car la seule possibilité pour la gauche de proposer une alternative crédible à la TVA sociale de Nicolas Sarkozy est d'instaurer, dès 2013, une CSG/CRDS progressive. A défaut, la gauche va se retrouver contrainte de proposer peu ou prou la même chose que la droite : un transfert de cotisation vers un mélange de TVA et de CSG !

Le gouvernement de François Hollande pourrait aussi s’attaquer aux retraites chapeaux des grands patrons et aux régimes très spéciaux de nos députés et de nos hommes politiques.  

Une vraie réforme des retraites devrait permettre en outre de payer des retraites minimales décentes qui ne devraient pas être inférieures au seuil de pauvreté. Ce qui était possible de faire dans une France sortie exsangue de la guerre ne le serait pas dans un pays riche ! 

De l’argent il y en a, il y en a même beaucoup. Et c’est en allant le chercher là où il se trouve que l’on pourra assurer une protection sociale de haut niveau à l’ensemble de la population, de mettre fin aux cotisations instituées sur les pensions et même de revenir à une retraite calculée sur les dix meilleures années...


Photo Creative Commons


Lire toutes les infos du blog :
> Tous les articles

Aucun commentaire: