14 septembre 2013

Salut Albert !

Grand professeur et infatigable défenseur des droits humains
Un homme de cœur vient de nous quitter. Albert Jacquard a été emporté le 11 septembre dernier par une leucémie. Grand professeur, généticien, pacifiste et infatigable défenseur des droits humains, il manquera aux multiples combats qu’il menait en faveur des plus modestes.

Engagé avec « l’appel des cent » comme dans les mouvements pour le droit au logement ou dans les combats antiracistes, il n’a cessé jusqu’au bout d’agir, de proposer, d’éclairer les voies pour un nouvel avenir débarrassé de cet ultralibéralisme qui broie les individus…


  
Né le 23 décembre 1925 à Lyon dans une famille de la bonne société, Albert Jacquard est reçu à Polytechnique vingt ans plus tard. 

Jeune ingénieur, il entre en 1951 à la Seita (manufactures des tabacs et allumettes) pour y travailler à la mise en place d’un des premiers systèmes informatiques. Tout en reconnaissant avoir été «passionné par ce travail», il regrettera par la suite d’avoir «joué le jeu de la réussite technique pendant dix ans». Car pour Albert Jacquard, «un ingénieur, un technicien efficace est par définition quelqu’un de dangereux, tandis qu’un chercheur est quelqu’un qui s’efforce d’être lucide».

Après un bref passage au ministère de la Santé publique, il rejoint l’Institut national d’études démographiques (Ined) en 1962. Il approche de la quarantaine et «s’aperçoit qu’on n’est pas éternel et qu’on ne veut pas gâcher sa vie à des choses dérisoires». 

Albert Jacquard part donc étudier la génétique des populations dans la prestigieuse université américaine de Stanford, puis revient à l’Ined et passe deux doctorats en génétique et biologie humaine dans la foulée. Parallèlement à l’enseignement et son travail d’expert à l’OMS, il n’aura de cesse de démonter les arguments prétendument scientifiques des théories racistes et sera même témoin en 1987 au procès du nazi Klaus Barbie pour crimes contre l’humanité.

Ses premiers livres, comme Eloge de la différence : la génétique et l’homme (1978) rencontrent un grand succès qui ne se démentira pas, même quand il dérivera vers la philosophie, la vulgarisation scientifique ou l’humanisme anti-libéral. Car Albert Jacquard n’aimait pas plus le libéralisme - «catastrophe pour l’humanité» - que le racisme. «La compétition systématique entre les êtres humains est une ânerie», tranchait le professeur qui, à ce titre, se refusait à noter ses élèves, sauf à leur donner tous la même note.

Son engagement politique


En 1979, Guillaumin et Léon Poliakov créent, au sein du Groupe de recherches sur l'histoire du racisme (CNRS), un bulletin qu’ils intitulent Sciences et tensions sociales. À ce bulletin succède, deux ans plus tard, la revue Le Genre Humain. Albert Jacquard fait partie jusqu'à sa mort du comité de rédaction de cette revue.

Albert Jacquard participe au Comité consultatif national d'éthique. Généticien des populations, il se prononce contre l'exploitation à des fins commerciales du génome humain et brevetage généralisé du vivant.

Il est proche du mouvement altermondialiste et est un contributeur régulier du journal Le Monde diplomatique.

Au printemps 1982, cent personnalités représentatives parmi lesquelles figurent le professeur Albert Jacquard, Georges Séguy, Hervé Bazin, Claude Piéplu ou encore le professeur Schwarzemberg décident, dans un large esprit d’union, d’appeler à une « Marche pour la Paix et le désarmement » à Paris le 20 juin 1982.

Aussitôt après cette initiative couronnée de succès (500 000 personnes participent à cette marche), les Cent conviennent de rester unis pour prolonger leur action en faveur du Droit à la Vie et à la Paix.

Dès le lendemain de la marche du 20 juin 1982, une délégation, composée de Suzanne Prou, écrivain, Jacques Denis, député communiste à l’Assemblée européenne, Maxime Le Forestier, chanteur et l’amiral Sanguinetti, est reçue au siège de l’ONU à New York et, le 15 septembre 1987, l’Appel des Cent se voit officiellement décerner par les Nations Unies le titre de « Messager de la Paix ». Dans le même temps, l’association pacifiste devient membre du Bureau International de la Paix.

En 1986, le Pr Jacquard sera candidat aux législatives à Paris sur une liste soutenue par divers mouvements de la gauche alternative, puis en 1999 sur la liste écologiste conduite par Daniel Cohn-Bendit (en 84e position). 

Dans les années 1990, Albert Jacquard va mettre sa verve médiatique au service d’une autre cause: les mal-logés et les sans-papiers. Occupation d’un immeuble rue du Dragon en 1994, de l’église Saint-Bernard en 1996... Son visage de vieux faune grec devient vite aussi familier que celui de l’Abbé Pierre, Mgr Gaillot ou Emmanuelle Béart, ses compagnons de lutte. Il est l'un des fondateurs de l'association Droits devant !

L’âge aidant, il se fera plus discret. Mais il continuera à soutenir les plus démunis et à pousser des coups de gueule, démarche «volontariste» pour léguer un monde un peu moins mauvais à ses petits-enfants. «Les jeunes voient en moi un vieux monsieur qui représente une certaine façon de penser», s’amusait le Pr Jacquard en évoquant quelques écoles primaires qui n’avaient pas attendu sa mort pour se baptiser de son nom. «Ce qui me réjouit, c’est qu’il existe aussi de nombreuses écoles Pierre Perret !» 

De 2001 jusqu’en 2010, avec son petit cheveu sur la langue bien connu des auditeurs de sa chronique quotidienne sur France Culture, il exprime ses vues sur la société et les sujets d'actualité dans une chronique radiophonique quotidienne sur France Culture.

En 2004, il parraine avec Edgar Morin la liste Europe - Démocratie - Espéranto pour les élections du Parlement européen.

En novembre 2005, il lance l'« Appel des vieux » avec sept autres « vieux » : Françoise Héritier, l'Abbé Pierre, Maurice Tubiana, Jean Delumeau, Edgar Morin, Albert Memmi et Denis Clair.

En 2006, il est parrain du projet Cité des Savoirs du XXIe siècle pour l'île Seguin avec Régis Debray, Axel Kahn et Philippe Meirieu.

En 2007, lors des élections législatives, Albert Jacquard co-préside avec Axel Kahn le comité de soutien d'André Aschieri (Europe-Ecologie) dans la 9e circonscription des Alpes-Maritimes.

Il soutient aussi une pétition créée par des victimes et proches de victimes de l’inceste et de la pédophilie. Cette pétition a pour but d'enlever la prescription de crimes sexuels commis sur les enfants, afin que les enfants victimes aujourd'hui puissent porter plainte sans restriction de temps. Il s'oppose également à la tenue du rallye Paris-Dakar en apportant son soutien à l'association Padak pour qui la course du rallye Paris-Dakar est totalement inutile et polluante. 

Durant l’été 2007, il apporte son soutien aux étrangers en situation irrégulière en grève de la faim à Lille.

Il est membre du comité de parrainage du Tribunal Russell sur la Palestine dont les travaux ont commencé le 4 mars 2009.

En 2010, il apporte son soutien à Philippe Meirieu, tête de liste pour les élections régionales en Rhône-Alpes sur la liste Europe Écologie.

Il est membre du Comité d'honneur de l'Association pour le droit de mourir dans la dignité.

En 2012, dans le cadre de l'élection présidentielle, il a exprimé l'intention de voter pour Jean-Luc Mélenchon. Il signe l'appel des 1 000 : « Pour nous, c'est Mélenchon »

Et il y a encore quelques mois, il cosignait avec un autre grand qui nous a quitté aussi cette année, Stéphane Hessel, un ouvrage intitulé « Exigez ! Un désarmement nucléaire total ». Une question pleine d’actualité au moment où tous les peuples du monde refusent un engrenage militaire en Syrie…


Salut Albert ! 



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