11 juin 2017

Réforme du code du travail : vers un recul généralisé des droits des salariés…

Cadre des relations de travail

Emmanuel Macron aura recours aux ordonnances pour réformer la quasi-totalité du code du travail. Le projet de loi d’habilitation précise que seuls trois domaines resteront définis nationalement : le SMIC, l’égalité professionnelle femmes-hommes et les seuils d'exposition aux risques. 

Tout le reste pourra être ainsi remis en cause demain comme les salaires, les contrats du travail ou encore les règles en matière de santé et de sécurité...



Les ordonnances vont lister sur chaque sujet, les questions qui relèvent du code du travail (national) et celles qui pourront être négociées par accord d'entreprise (local). Comme aujourd'hui, en l'absence d'accord d'entreprise, le code du travail s'appliquera. Ce sont les « règles supplétives » mais dans le projet de loi d'habilitation dévoilé par Le Parisien, on découvre une note de bas de page qui précise discrètement que les règles supplétives ne seront pas à droit constant. C'est à dire qu'Emmanuel Macron se réserve la possibilité de revoir à la baisse l'ensemble des droits existants.  

Des accords d’entreprise au rabais


Aujourd'hui, pour garantir la loyauté de la négociation, seuls les syndicats peuvent négocier et signer des accords. Les syndicats possèdent des droits collectifs d'expression et d'action qui les protègent des pressions de l'employeur. Permettre à des élus sans étiquette de négocier, c'est généraliser le chantage à l'emploi et affaiblir les droits collectifs d'organisation des salariés.

Quand un accord d'entreprise ou de branche ne respecte pas la loi, il peut être annulé par le juge. C'est ce qui se produit par exemple à propos d’accords  ne garantissant pas le respect des temps de repos et des durées maximum de travail. Pour empêcher ces recours, le gouvernement  veut mettre en place une présomption de validité des accords, dès lors que les obligations formelles de la négociation auront été remplies. Le juge et l'inspection du travail ne pourront donc plus contrôler la conformité de l'accord avec la loi. 

La loi El Khomri avait déjà introduit la possibilité de contourner les syndicats majoritaires en organisant des référendums d’entreprise à la demande des organisations minoritaires. Emmanuel Macron pourrait élargir ce dispositif en permettant aux dirigeants de l’entreprise d’organiser eux-mêmes des référendums. 

Des contrats de travail de plus en plus précaires 


Les règles pour mettre fin à un contrat à durée indéterminée (CDI) relèvent aujourd’hui de la loi. C'est le cas des procédures de licenciement (entretien préalable, motivation de la décision, possibilité de se faire assister par un syndicat…). Demain, avec la nouvelle loi travail, ces règles pourraient être définies entreprise par entreprise pour faciliter le licenciement des salariés en CDI (plus de 80% des salariés en France).

Pour les CDD, les règles de recours à ce type de contrat comme son renouvellement sont précisément définis dans la loi. C’est la même chose pour la prime de précarité de 10%, identique pour l’ensemble des salariés. Demain, la loi travail n°2 pourrait permettre de définir les règles de recours et de renouvellement d’un CDD dans chaque entreprise. Le montant de l’indemnité de précarité pourrait également varier d’un emploi à l’autre. Alors qu’actuellement, un CDD ne peut pas être rompu sauf en cas de faute grave, des motifs de rupture pourront être créées.

Quant au niveau de salaire et son rythme d'augmentation, ils dépendent aujourd’hui de la négociation dans la branche professionnelle. La négociation d'entreprise peut permettre d'accélérer les augmentations, pas de les ralentir. C'est ce qui a permis que les salaires continuent (légèrement) à augmenter malgré la crise. La nouvelle loi travail pourrait autoriser chaque entreprise à descendre en dessous des minimums définis par la branche. Ce sera en fait un appel déguisé à baisser les salaires.

Des licenciements facilités 


Aujourd'hui, un salarié licencié pour motif économique dispose d'un an pour contester son licenciement devant les prud'hommes. Le projet prévoit d’imposer un délai de 2 mois. Le salarié devra donc trouver un avocat et saisir le conseil de prud’hommes par une requête motivée, avant même d’avoir fini son préavis. Une mission quasiment impossible ! 

Les entreprises de 50 salariés qui licencient plus de 10 salariés sont obligées de négocier un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) avec les syndicats.  Le PSE doit notamment contenir des mesures de formation et de reclassement pour faciliter le retour à l’emploi, des indemnités pour compenser le préjudice subi. Avec les ruptures conventionnelles, les entreprises ont déjà aujourd'hui les moyens de licencier des salariés sans faire de plan social. Ainsi, elles ont tendance à licencier les salariés par groupe de 9 pour éviter d'avoir à négocier un plan social. Cela ne suffit visiblement pas au gouvernement qui veut élever ce seuil et permettre aux entreprises de licencier davantage de salariés sans mesures sociales.

Un employeur souhaitant licencier pour motif économique ou inaptitude doit rechercher des possibilités de reclassement pour les salariés et leur proposer des postes correspondant à leurs compétences. Mais le projet allège considérablement les obligations et prévoit que l’employeur pourra se contenter de mettre en ligne la liste des postes disponibles. Au salarié de chercher parmi tous les postes disponibles si l’un d’entre eux peut lui correspondre … 

Les difficultés économiques d'une entreprise qui licencie sont appréciées au niveau du groupe, à l'échelle internationale. Désormais, le projet prévoit que les difficultés économiques de l’entreprise s’apprécieront sur le seul territoire français, même si elle est présente et en bonne santé à l’international. Demain, une entreprise ayant d’excellents résultats pourra donc licencier en créant artificiellement des difficultés économiques sur le territoire français ! 

En cas de rachat de tout ou partie de leur entreprise, la loi El Khomri a remis en cause le droit pour les salariés de conserver leur emploi. Les entreprises en difficulté peuvent licencier pour éviter au repreneur de garder tout ou partie des salariés. Mais cette disposition était réservée aux entreprises de plus de 1000 salariés. Le projet prévoit de généraliser cette possibilité à toutes les entreprises...

Le projet prévoit d’autre part que le défaut de motivation de la lettre de licenciement ne pourra plus le remettre en cause. Une revendication de longue date du MEDEF pour permettre d’inventer un motif a posteriori en cas de contestation !

Enfin, un chef d’entreprise qui licencie de manière illégale peut être sanctionné par les prud’hommes. Les montants des sanctions, qui sont versées au salarié sous forme d’indemnités, dépendent du préjudice subi. Les prud'hommes peuvent ainsi fixer des sanctions selon ce qu'ils jugent juste suite à la fraude de l'employeur. Emmanuel Macron veut plafonner ces sanctions. Cela revient à fixer un prix unique pour les licenciements abusifs. Les organisations syndicales avaient réussi à faire retirer cette disposition de la première loi travail. Le gouvernement revient donc à la charge contre l’avis de l’ensemble des organisations syndicales.


Des représentants du personnel réduits en nombre


Le gouvernement prévoit de fusionner les trois instances de représentation des salariés, les comités d'entreprise, comités hygiène et sécurité et délégués du personnel. Si cette simplification n’est pas forcément une mauvaise chose, elle risque néanmoins de conduire à une baisse drastique du nombre de représentants du personnel, qui n’auront plus ainsi les moyens de remplir correctement leurs missions.

Ensuite, cela pourrait transférer les dépenses aujourd'hui prises en charge par l'employeur (expertise sur la santé par exemple ou sur le harcèlement sexuel au travail) aux frais du CE. Conséquence : moins de moyens pour les activités sociales ou culturelles en direction des salariés. Enfin, les prérogatives du CHSCT pourraient tout simplement disparaître. Or, c'est la seule de ces instances qui a la possibilité d'aller en justice en cas d'atteintes à la santé et à la sécurité des salariés. 

La santé et la sécurité au travail remises en cause 


Une à deux personnes meurent chaque jour au travail en France (500 décès par an). Emmanuel Macron veut renvoyer à chaque entreprise la responsabilité de définir les règles d’information et de protection des salariés. La seule chose qui resterait définie par la loi, ce sont les seuils d’exposition aux risques (matières dangereuses, bruits, charges...). Le reste (protection des mineurs, équipements, prévention contre les risques chimiques ou sonores, évaluation des risques…) relèverait de la négociation par entreprise.

Quant au travail de nuit, il est aujourd’hui strictement encadré par la loi. Le code du travail définit précisément les horaires concernés par le travail de nuit (entre 21h et 6h du matin) et prévoit une durée maximum et des contreparties obligatoires (rémunération, repos). Emmanuel Macron envisage de renvoyer à la négociation d'entreprise ces dispositions. En fonction de l’entreprise, on pourrait par exemple estimer que le travail n'est considéré comme « de nuit » qu'à partir de minuit...

Devant ces attaques contre le code du travail et l’inversion généralisée des normes, un collectif d'universitaire a rédigé, avec les syndicats, un projet de nouveau code du travail quatre fois plus court, beaucoup plus simple pour les entreprises et plus protecteur pour les salariés. Le projet prévoit par exemple de relancer la négociation sur réduction du temps de travail, l'extension des droits du salariat aux travailleurs indépendants, l'allongement du congé paternité ou encore l'annulation des licenciements abusifs, avec la réintégration automatique des salariés concernés. Mais bizarrement, ce projet n'intéresse pas Emmanuel Macron...


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