03 juillet 2017

Le gel du point d'indice de la Fonction publique, prémisse d'une nouvelle baisse générale des salaires...

Un gel du point d'indice de la FP équivaut à une baisse des salaires
Les syndicats de la Fonction publique ont accueilli avec déception et colère l’annonce du gel de la valeur du point d’indice servant à calculer la rémunération des fonctionnaires, faite par le ministre de l’Action et des comptes publics, Gérald Darmanin.

Mais ce n'est finalement qu'une demi-surprise car cette annonce qui considère les agents publics comme une variable d’ajustement des comptes publics n’est que la continuation de la politique menée sous la présidence de François Hollande…


Le pouvoir d’achat des fonctionnaires a été laminé par le gel du point d'indice de 2010 à 2016. Il n’a pas été rattrapé par sa hausse de 1,2 % en deux fois (0,6% en juillet 2016 et 0,6% en janvier 2017) qui était avant tout une mesure pré-électorale dans l'hypothèse d'une candidature de François Hollande à l’élection présidentielle.

Le problème du pouvoir d'achat des fonctionnaires et des agents de l’Etat est en fait le même que celui des salariés du secteur privé. Comme le rappelle régulièrement le centre de recherche et des coûts (CERC), une forte impression de régression du pouvoir d’achat prédomine depuis de nombreuses années chez tous les salariés car la faible hausse du salaire net moyen est largement inférieure à la perte nette due à l’inflation.
Cette régression vient de loin. C’est en effet en 1982 que François Mitterrand et son ministre de l'Economie et des Finances, Jacques Delors, ont entamé le tournant de la rigueur en supprimant l’échelle mobile des salaires qui protégeait jusqu'alors le pouvoir d'achat des salariés. Ce fut un coup fatal particulièrement dramatique pour 40% d’entre eux déjà victimes du chômage total ou partiel, du temps de travail partiel subi, d’un déménagement pour cause professionnelle, etc. A cette époque, voulant lutter contre l’inflation, le gouvernement bloqua dans la Fonction publique les salaires qui avaient suivi jusqu’ici l’évolution des prix. Il incita ensuite les employeurs du secteur privé à agir de même, en les invitant à faire évoluer les salaires en fonction du taux d’inflation « prévu » par le gouvernement.
Les clauses d’indexation des salaires sur les prix furent ensuite retirées une à une des conventions collectives dans les années qui suivirent. Les lois Auroux réaffirmèrent leur interdiction dans le Code du Travail, article L.141-9 : « sont interdites, dans les conventions ou accords collectifs de travail, les clauses comportant des indexations sur le salaire minimum de croissance ou des références à ce dernier en vue de la fixation et de la révision des salaires prévus par ces conventions ou accords. »
Et aujourd’hui, dans de nombreuses branches professionnelles, c'est ainsi que le salaire d’embauche est souvent inférieur au SMIC. Une prime dite « résorbable » est alors versée aux salariés concernés mais sans toucher aux salaires supérieurs au SMIC, cette pratique est responsable d’un tassement continue des salaires vers le bas. Autre conséquence collatérale : en 30 ans, le partage de la valeur ajoutée s'est ainsi déplacé de 11 points du travail vers le capital !
Mais les conséquences négatives pour les salaires touchent aussi les prestations ou allocations diverses versées par les organismes de protection sociale (pensions vieillesse ou d’invalidité, retraites complémentaires, allocations chômage, allocations familiales, etc.) qui utilisent des mécanismes « d’indexation » plus ou moins originaux qui conduisent à une baisse du pouvoir d’achat.
Citons un seul exemple significatif : les allocations familiales dont le montant est fixé en fonction d’un certain pourcentage de la base mensuelle de calcul (BMAF). L'allocation pour 2 enfants est égale à 32% de la BMAF, pour 3 enfants à 73%, pour 4 enfants à 114%, celle de l’allocation de parent isolé égale à 150%, etc. Cette BMAF est bien revalorisée au 1er avril de chaque année mais sans tenir compte du taux réel d’inflation. Résultat : ces différentes revalorisations inférieures au coût de la vie sont en fait des baisses déguisées !
Cette situation est encore aggravée par un indice des prix calculé par l’INSEE, datant de 1946 et qui est loin de refléter la réalité quotidienne car la mesure de l’inflation ne concerne que les prix à la consommation. Cet Indice n’a jamais intégré par exemple l’augmentation des prix camouflée par les « arrondis » opérés nettement à la hausse après le passage à l’euro ou l’augmentation de prix d’un produit nouveau identique à l'ancien mais présenté sous une autre forme.
Et si la hausse du pouvoir d'achat des ménages est toujours officiellement légèrement positive, c’est parce qu’elle concerne le revenu moyen des ménages qui n’est qu’une simple moyenne mathématique ne correspondant à aucune réalité socioprofessionnelle...

L'échelle mobile des salaires, seul moyen efficace pour préserver le pouvoir d’achat

Contrairement à ce qu’affirment certains pseudo-consultants qui professent à longueur d’année sur les plateaux télé, une réintroduction de l’échelle mobile des salaires, datant de juillet 1952 sous la présidence de Vincent Auriol (SFIO), ne nuirait pas au développement économique. Elle ne favoriserait pas non  plus l’inflation car celle-ci est basée sur l’évolution réelle des prix qui s’est déjà produite au cours du ou des mois précédents. Ces " experts économiques " ont tendance à confondre les notions de réelle augmentation des salaires (supérieure au taux d’inflation) et de simple maintien du pouvoir d'achat suite au mécanisme d’indexation (égal au taux d’inflation).
L’échelle mobile favorise en outre une solidarité entre les travailleurs des secteurs forts et ceux des secteurs faibles ainsi qu’entre les travailleurs actifs et inactifs. Elle est un facteur de stabilité sociale : les négociations salariales peuvent se concentrer sur l’augmentation réelle des salaires. C’est également un facteur de stabilité économique car le maintien du pouvoir d’achat représente un facteur de consommation et donc de croissance économique.
Ce système existe dans plusieurs pays comme la Belgique et le Luxembourg. Il peut revêtir différentes formes (ajustement automatique des salaires à chaque variation de l'indice des prix, ajustement dès que l'indice choisi dépasse un certain seuil, ajustement à périodes fixes en fonction des variations enregistrées, etc.). Il existe également mais sans caractère automatique en Allemagne ou aux Pays-Bas : les syndicats doivent alors négocier pour compenser la perte de pouvoir d’achat subie depuis les négociations précédentes à la suite de l’inflation.
En France, en ayant négligé la question essentielle du maintien du pouvoir d’achat, les gouvernements successifs depuis 1982 portent une lourde part de responsabilité dans les difficultés financières que rencontrent depuis de nombreuses années des millions de personnes. Sur le plan international également, le FMI ou la commission de Bruxelles restent à des années-lumière d'un éventuel rétablissement de l'indexation automatique des salaires sur les prix.
Et aujourd'hui, nul doute qu'Emmanuel Macron, fils spirituel de Jacques Delors et François Hollande, marchera sur les traces de l'ancien président de la Commission européenne et de l'ancien président de la République pour continuer à rogner lentement mais sûrement le pouvoir d'achat des salariés et retraités…


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