07 août 2006

Arnaud préfère Ségolène

Né le 30 octobre 1962 à Clamecy (Nièvre)

Dans une lettre intitulée «Le choix de l’alliance», adressée aux militants de son courant « Rénover maintenant », Arnaud Montebourg explique les raisons de son choix en faveur de la candidature de Ségolène Royal et du rassemblement pour donner la chance de la victoire à la gauche en 2007.

Cette décision a été accueille plutôt fraîchement par bon nombre de militants de " Rénover maintenant ", courant crée à la suite du refus de la synthèse, lors du dernier congrès du Mans. 

Apparemment, l’encadrement militaire des jeunes délinquants, la mise sous tutelle des allocations familiales pour les familles " qui ne tiendraient pas correctement leurs enfants ", le " bon côté " de Tony blair ou les vives critiques contre les partisans du Non au TCE le 29 mai 2005 ne " passent pas "... 

 

Avec ce soutien affiché à Ségolène, Arnaud Montebourg a jugé qu'une sanction de tous les éléphants du PS était prévisible, tant par les militants que par les électeurs, et que les avantages d'un rassemblement du bloc des Non au TCE autour de Laurent Fabius n'étaient finalement pas aussi évidents.

L'avenir dira s’il a fait le bon choix, à commencer par la primaire en interne au PS qui aura lieu les 16 et 23 novembre prochain.

Mais, partisan du Non au TCE, ayant fait une campagne discrète contrairement à Henri Emmanuelli ou Laurent Fabius, Arnaud Montebourg, donne néanmoins l’impression de céder à la flambée des sondages en faveur de Ségolène.

Il lui faudra beaucoup de courage pour rendre le Royalisme buvable à gauche et surmonter certaines contradictions de son raisonnement.

Tout d'abord la démarche politique. Arnaud Montebourg, c'est le retour au politique et l'appel aux citoyens. Ségolène Royal, c'est avant tout la démocratie de l'opinion. Comment un républicain contribuera-t-il à transformer l'électeur en consommateur ?

Puis le projet politique. Arnaud Montebourg s'est présenté comme héritier de Pierre Mendès France et de son fameux : «Gouverner, c'est prévoir, c'est un calendrier, des priorités». Ségolène Royal semble vouloir éviter tout ce qui fâche : Liban, défense nationale, Corse, rémunération des grands patrons ou tentations communautaristes...

Enfin, la stratégie politique. Arnaud Montebourg a toujours souhaité rassembler son camp avant d'élargir sa base en écartant toute tentation centriste. Ségolène Royal est autrement plus ambiguë. La mise en avant des thèmes de la sécurité, de la famille, pour ne citer que ces deux exemples, semble bâtie pour encercler les arguments de Nicolas Sarkozy. On est loin du rassemblement à gauche qui sera nécessaire pour l’emporter au deuxième tour.

Les critiques très virulentes de Ségolène contre les partisans du Non au TCE, sur son site "Désirs d'avenir" ne sont pas faites pour rassurer ces électeurs de gauche dont un certain nombre pourrait être tenté de voter pour un autre candidat au premier tour et d'aller à la "pêche" au deuxième tour…

 


L’intégralité de la lettre d’Arnaud Montebourg :


Chères et chers camarades,
 

J’ai fait un pas, personnel mais déterminé, sur le terrain difficile du choix. Choisir est l’une des aptitudes requises dans l’engagement militant et politique auquel nous sommes tous confrontés et qu’il n’aurait pas été courageux de chercher à esquiver.

Il nous faut désormais choisir, parce que nous n’avons plus le choix. Ma candidature, espérée et ressentie par nombre d’entre nous comme meilleure solution pour défendre nos idées, est devenue impossible parce qu’elle souffrait d’un inconvénient de taille : la probabilité d’une victoire était faible et nombre de camarades auraient préféré défendre, contre leurs convictions, un autre candidat en mesure de gagner, selon la mécanique du vote utile. J’ai entendu de si nombreuses fois ce message derrière les estrades et loin des blogs, dans la bouche de camarades présents dans nos combats depuis les origines et aux convictions incontestables.

Ma candidature aurait ajouté une division supplémentaire dans la fracturation déjà multiple du parti, alors que l’esprit de préparation de l’élection présidentielle doit s’inspirer de la nécessité du rassemblement entre les socialistes et doit s’appuyer sur des actes constructifs de mise en commun des idées et des actions.

Enfin, elle se serait affrontée à la totalité du reste du parti, ce que traduit la vérification que nous avons faite de l’impossibilité bureaucratique d’obtenir les parrainages, et aurait conduit nos idées à réduire de leur influence, leur faisant perdre une part de leur capacité à pénétrer les esprits.

Le bilan de nos années de combat, de Dijon jusqu’au Mans, est intéressant, et mérite de poursuivre sa course, car nous avons réussi à mettre sur la table de la discussion politique nombre de nos propositions. Elles se sont répandues dans l’opinion. Elles sont apparues dans les programmes et devront être inscrites sur l’agenda politique de l’après victoire.

Pour répondre à la difficile question du choix, il faut se préoccuper de savoir ce que nous voulons faire de tout ce que nous avons fait ensemble jusqu’ici : La construction de la 6ème République comme solution à la crise politique et populiste du pays ; la domestication progressive du capitalisme financier comme perspective du socialisme européen ; la maîtrise sociale, environnementale et politique de la mondialisation comme héritage moderne du mouvement ouvrier ; la république européenne comme réponse à la victoire du non, sont des propositions qui ont un avenir considérable. Elles se situent au centre de gravité des besoins du pays, mais il reste à les concrétiser en faisant la démonstration de leur possible.

Nous pouvons faire le choix de nous installer avec ces magnifiques projets dans l’idéalisme de solitaire ayant raison contre tous. Nous serions en harmonie totale avec nous-même tout en faisant magistralement reculer nos idées !

Nous pouvons faire le choix plus difficile de nous allier avec qui ne partage toutes nos idées, pour convaincre au moins d’en mettre une partie en application.

Ce choix a ma préférence car il reflète l’exigence dans laquelle nous sommes, comme militants du socialisme, de faire gagner la gauche. Et je voudrais vous convaincre d’en faire le vôtre.

Un tel choix d’alliance ne peut pas être pour nous ou moi-même un renoncement ou je ne sais quelle abjuration. Car je n’ai nullement l’intention d’être un autre que celui que j’ai toujours été et toujours voulu être. Il est un acte de vitalité, parce qu’il organise l’inscription, dans le champ cultivable de l’avenir, de nos idées qui poursuivront ainsi leur chemin ascensionnel. Pour nous tous et pour tout ce que nous portons depuis des années avec tant d’espérance, je préfère l’avenir à l’enfermement des catacombes. Et il ne nous est pas interdit de préférer l’alliance, souvent productive, à la solitude, parfois inutile.

Car la question la plus importante pour nous est bien celle de construire un rassemblement large de toutes les forces de gauche pour les faire gagner et gouverner durablement ensemble : celles du oui et celles du non, celles alter mondialistes et celles social-libérales, celles de la synthèse et celles hors synthèse. Cela implique notre capacité à nous articuler les uns avec les autres, construire des compromis politiques entre socialistes en rapport avec les besoins de la population pour asseoir une majorité durable en faveur des idées de gauche dans le pays.

Si nous sommes incapables de ce genre de comportement collectif qu’avait su mettre en œuvre François Mitterrand, nos fractures seront plus ouvertes que nos perspectives de victoire. Mais une telle espérance ne pourra être envisagée que si deux profonds désirs, exprimés dans le même mouvement par la population, rencontrent les propositions politiques de la gauche dont nous avons à nous préoccuper nous aussi.

Mesurons d’abord l’énorme désir de renouvellement du personnel politique et de changement de génération, dans lequel il faut situer nos choix. Quatre ans et demi après le 21 avril 2002, l’appareil a maintenu le gouvernement Jospin à la Direction, refusé l’inventaire de nos erreurs, diabolisé les nouvelles idées que vous avons avancées avec toute la génération de jeunes élus que nous sommes et empêché la rénovation du projet et des pratiques.

Comme pétrifié dans un bocal de formol, le Parti joue désormais sa survie devant ses électeurs, qui s’apprêtent à sanctionner l’immobilisme, et le refus de construire une nouvelle donne. Ceux qu’on appelle les éléphants seront sévèrement sanctionnés pour avoir abusivement occupé l’espace politique du parti en empêchant l’avènement, par la transmission des compétences, d’équipes et d’idées nouvelles.

Je crois que nous ne pouvons-nous tenir à l’écart de cette aspiration au renouvellement, ni prêter main forte à quiconque voudrait empêcher sa réalisation.

Mais nous savons surtout qu’elle ne suffit pas. Car nous mesurons à quel point les déceptions provoquées par la gauche au pouvoir devront nous amener à proposer dans la campagne, puis dans la victoire comme dans la future majorité, des choix politiques ancrés à gauche.

Notre candidat ne pourra pas échapper à la nécessité politique de proposer d’équilibrer ce capitalisme débridé et financier en assumant une part de confrontation, administrée même à doses progressives, avec l’organisation actuelle du système économique en s’appuyant sur les mouvements sociaux qui travaillent la société. Il pourra utilement s’appuyer sur le reflux des idées libérales qui a commencé avec les victoires du non en Europe, et ainsi chercher à organiser la maîtrise de cette mondialisation sans règle, si destructrice sur le plan économique, social et environnemental.

Face aux projets dérégulateurs et ultralibéraux des droites européennes, il serait enthousiasmant que nous portions un programme de reconstruction de la République : réhabiliter le politique, restaurer sa crédibilité et ses marges de manœuvre, c’est le sens profond de ce beau projet de 6ème République qui, s’il n’est pas intégré dans le projet socialiste doit encore faire son chemin, même en pièces détachées.

Voilà comment je crois que nous pouvons entraîner nos électeurs dans un mouvement de victoire, ainsi que tous les autres en perdition, qui ont perdu confiance en toute action politique.

Pour conjurer le danger lepéniste et infliger une cruelle défaite à la candidature Sarkozy, il est impérieux de réussir à se rassembler, réussir à nous renouveler, et réussir à tenir les promesses de la gauche. Je crois que Ségolène Royal a les atouts pour conjuguer ces trois exigences. C’est bien sûr à elle de nous en convaincre.

J’ai fait un pas dans sa direction, en l’invitant à Frangy-en-Bresse et en imaginant de nous préparer à travailler ensemble. Il lui revient de parler à ce peuple de gauche dont nous faisons partie. Chacun d’entre vous jugera et décidera de ce que nous voulons ensemble faire de nos idées. Nous engagerons le débat à Fouras et nous le clôturerons le moment venu. Nous préserverons ensemble notre capacité d’action commune et déciderons ensemble de choisir. Mais je crois qu’il est avant tout nécessaire de donner la chance de la victoire à la gauche. A nous de faire en sorte qu’elle soit aussi celle de nos idées.

Je te prie de croire, Chère ou Cher camarade, en l’assurance de ma fidélité à notre cause commune. 

Arnaud Montebourg


Photo Creative Commons 


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8 commentaires:

Raoul a dit…

Ce à quoi nous assistons actuellement, c'est surtout à une tentative désespérée de François Hollande pour écarter dans la course à l’Elysée tout candidat susceptible de fédérer une bonne part des voix des électeurs du NON de l'an dernier ... parce que le risque persiste pour la direction du PS de ne pas, une fois de plus, voir arriver le candidat du PS au second tour… ce qui disqualifierait définitivement ceux qui ont fait le choix de ne pas prendre leurs responsabilités, d'éviter une clarification indispensable au lendemain du référendum du 29 mai 2005.

Il y a urgence à tirer les bilans de la période 1981-2006 !

Sans interrogation sur l'histoire, il est impossible de penser l'avenir ... à moins bien sûr que la seule pensée qui taraude certain(e)s soit juste celle du plan de carrière ....

Thibaut a dit…

Arnaud déclarait en avril dernier : «Si Ségolène nous propose un virage blairiste avec les outils archaïques de la 5ème République, nous nous opposerons à sa candidature… »

Quelles sont aujourd’hui les propositions précises de Ségolène ?

Gilbert a dit…

Je me demande si le phénomène Royal va durer encore longtemps.

Sa façon de jouer les vierges effarouchées en disant que la vie politique est très dure pour une femme tout en critiquant ses petits camarades ("mon programme sera socialiste") commence à m'agacer sérieusement.

Si elle n'a pas les épaules pour supporter les minuscules attaques qu'elle reçoit jusqu'à maintenant et alors qu'elle est adorée par les médias, il ne faut pas qu'elle fasse de politique.

Je ne suis pas adhérent au PS mais je sais que le choix dépendra de quelques dizaines de milliers de militants.

Espérons qu'ils auront un petit peu plus de flair que lors de leur vote interne sur le référendum européen...

Julie a dit…

Quelle tristesse quand j'écoute Fabius, DSK ou Lang.

Sur le fond comme sur la forme (encore qu'on ne connaît pas bien son "fond"), Ségolène a le mérite d'apporter un certain vent frais.

Les éléphants doivent comprendre qu'il est temps de laisser leur place.

Le débat oui, mais pas avec les mêmes idées que depuis 30 ans.

Jacqueline a dit…

Doit-on accuser Arnaud Montebourg de trahison, n’est-il pas légitime pour lui de tenter de faire appliquer un certain nombre de ses idées ?

Ceci étant, je redoute vraiment le scénario catastrophe où, il ne s'agira plus, comme aujourd'hui, de se déchirer pour choisir entre SR, LF... mais entre Sarkozy et Le Pen.

René a dit…

Qui glisse souvent dans ses discours l’expression «d’ordre juste»?

Ségolène, bien sûr, mais ce qui est plus méconnu, c'est l’origine de cette expression qui est tirée d'une encyclique du pape Benoît XVI.

C'est une idée religieuse, pas une idée politique.

L’ordre juste, c’était notamment les enfants dans les maisons de redressement et les pauvres que l'on place sous contrôle, en fait les idées les plus banales de la bonne société du 19ème siècle…

Ségolène a cru bon de reprendre ces idées et d’y ajouter de surcroît l’encadrement militaire pour les enfants et la suppression des allocations familiales pour les plus démunis, reprenant en cela les propositions de Nicolas Sarkozy alors que les deux groupes parlementaires PS avaient voté contre !

A propos des jeunes, Ségolène sait-elle que de tels centres ont existé de 1986 à 2004 et qu’un rapport parlementaire en a dressé un bilan catastrophique, sous la plume d’un de ses soutiens, en la personne du sénateur Masseret ?

Sur ces 5 800 jeunes, plus d’un tiers s’évadaient ou étaient expulsés. Pour les autres, moins d’un sur deux échappaient finalement à la criminalité !

Bel exemple donné quant à l’application du programme alors que le PS est pour l’instant dans l’opposition. Qu’en sera-t-il alors une fois au pouvoir ?

Guillaume a dit…

Si les socialistes veulent revenir aux commandes de la France, ils doivent se mettre en rangs serrés derrière celle qui a le plus de chance de remporter cette élection.

Il leur faut une fois pour toute mettre au râtelier leurs querelles personnelles d'ambition. C'est à ce prix que la victoire sera la leur.

S'ils continuent comme il le font actuellement, c'est perdu d'avance. On en reprendra pour 5, voire 10 ans d’une droite dure et arrogante.

Allez les éléphants, un peu de courage, acceptez de considérer que votre temps est passé, que la relève arrive et qu’elle est porteuse d'espoir.

Tous derrière Ségolène, et qui sait, nous revivrons peut-être la même liesse qui avait salué la victoire de François Mitterrand en 1981.

René a dit…

Petite devinette : quel est ce candidat à la candidature au PS ?

Qui est pour ? :

Tony Blair

Le Oui au TCE

La synthèse au congrès du Mans

L’encadrement des jeunes en difficulté par des militaires

Le CPE, avant le début des manifestations

La défense de l’esprit de la 5ème République

La mise sous tutelle des AF pour les familles qui ne tiennent pas correctement leurs « enfants »

La continuation du versement des AF, sans conditions de ressources, à tous les autres, même ceux qui n’ont pas besoin de ça pour vivre


Si vous n’avez pas trouvé, ceci peut vous aider :

Qui est contre ? :

Les 35 heures

La carte scolaire

Le retrait du CPE

Si vous n’avez toujours pas trouvé, voilà qui peut encore vous aider :

Qui a dit dans le débat sur la constitution européenne sur TV5, le 7 mars 2005 :

« La constitution va empêcher le dumping social, parce que la concurrence en serait faussée»


Si vous ne voyez toujours pas quel est ce candidat(e), là, vous allez sûrement trouver :

Qui a dit, lors du débat télévisé sur la constitution européenne, organisée par Arlette chabot (Mots croisés) sur France 3 le 19 mai 2005 la phrase suivante :

«Si le non gagne, je serai obligée de privatiser les cantines scolaires en Poitou-Charentes» !

Pauvre Arnaud !