26 février 2015

Reprendre la main sur la finance et les banques

Main avec les doigts fermés
La fraude et l'évasion fiscales coûtent chaque année environ 1000 milliards d'euros aux pays membres de l'Union européenne, dont 60 à 80 milliards  pour la France. 

Mais les règles, les institutions et les individus qui ont permis de tels dévoiements de la finance n’ont pas été et ne sont pas pour l’heure vraiment remis en cause par l’Europe et la Commission de Bruxelles…



Aujourd’hui, ce ne sont ni la taille des Etats ni le montant des dépenses ou des avantages sociaux qui sont à l’origine de la crise mais au contraire la faiblesse des législations en matière de régulation et de lutte contre la fraude, aggravée dans certains cas par la corruption des oligarchies dirigeantes.

Dans de nombreux pays, les moyens pour lutter contre la fraude et l'évasion fiscale s’amenuisent et les enquêteurs n’ont parfois même plus les moyens logistiques d’enquêter sur le terrain. Pour la première fois depuis vingt ans, les sommes récupérées par les différentes administrations fiscales européennes ont diminué bien que les alertes aient été nombreuses au cours de ces dernières années…

Aux Etats-Unis, la crise des subprimes était déjà en partie la conséquence d’une fraude gigantesque au crédit hypothécaire. 

En Islande, pays de 320 000 habitants, 100 milliards de dollars se sont volatilisés en 2009. La faillite par exemple de l’Anglo-Irish Bank a des origines frauduleuses : 70 milliards d’euros ont disparu dans un contexte marqué par la confusion des intérêts entre secteur bancaire et autorités publiques. Un cercle d’initiés aurait bénéficié de «prêts cachés» d’un montant considérable.

En Espagne, Bankia, une des principales banques du pays, dirigée par un ex-directeur du FMI, M. Rodrigo Rato, a vendu des produits toxiques à ses employés et même à ses retraités qui ont perdu ainsi 23 milliards d’euros !

En Grèce, la dette a été longtemps dissimulée par des moyens frauduleux avant sa révélation en 2010. 

A Chypre, ce n’est pas seulement la faillite de la Grèce qui a entraîné celle du système bancaire de l’île mais aussi l’absence de contrôle et de transparence sur l'ensemble des fonds détenus dont plus de la moitié appartenaient à des non-résidents...

8000 milliards d’euros placés dans les paradis fiscaux


Tous les Etats européens souffrent d’une fraude endémique et selon l’ONG « Réseau pour la justice fiscale », 8000 milliards d’euros seraient placés dans les paradis fiscaux. Des banques comme la britannique HSBC, prise la main dans un gigantesque scandale de fraudes fiscales et de blanchiment aggravé, et UBS notamment ont contribué à soustraire à l’impôt des sommes considérables. 

Le récent "Livre noir des banques", publié par Attac France, met également au jour les activités spéculatives de BNP Paribas, de la Société générale, du Crédit agricole et du groupe Banque populaire-Caisse d’épargne (BPCE), quatre mastodontes qui ont joué un rôle non négligeable dans la crise financière de 2008 et qu’il a fallu sauver avec de l’argent public. Très fragilisés, ces groupes privés n’ont pourtant rien changé à leurs activités, leurs filiales n’ont pas abandonné les paradis fiscaux, et aucune de ces banques ne s’est avisée de publier la liste de ses fraudeurs fiscaux. Pire, elles ont spéculé avec la dette grecque et sont impliquées dans de nombreux projets ayant un lourd impact sur le climat. 

L’UE a pris certes quelques résolutions solennelles mais les rares mesures concrètes restent très modestes. Et à l'heure actuelle, les pays de l'UE ne s'entendent toujours pas sur la définition des paradis fiscaux. La législation les concernant varie d'un pays à l'autre et par conséquent, les transactions impliquant des paradis fiscaux peuvent transiter par les pays ayant la réglementation la plus souple.

Si l'UE se dotait d'une approche harmonisée en ce qui concerne l'identification des paradis fiscaux et d’une attitude ferme à adopter à leur égard, les fraudeurs ne pourraient plus exploiter les différences entre systèmes nationaux. Au lieu de cela, l’UE préfère recruter des banquiers comme pompiers de l’Europe. 

Ainsi, le 1er novembre 2011, Mario Draghi, vice-président pour l'Europe de la banque d’affaires Goldman Sachs entre 2002 et 2005, puis gouverneur de la banque d'Italie entre 2006 et 2011, est devenu président de la Banque Centrale Européenne (BCE).

Or, la banque Goldman Sachs a été au cœur de la prédation financière en étant impliquée dans de nombreux scandales financiers : subprimes, tromperie de ses clients à qui elle recommandait d’acheter des produits financiers sur lesquels elle spéculait à la baisse, maquillage des comptes grecs qui a résulté principalement de la levée de fonds hors bilan par le biais d’instruments financiers mis au point par la banque qui a perçu 600 millions d’euros à cette occasion...

Ainsi, le 27 juin 2014, les dirigeants européens ont choisi l'ancien Premier ministre luxembourgeois Jean-Claude Juncker, un des champions du secret bancaire en Europe, pour être le nouveau président de la Commission européenne.  

Le Luxembourg est un paradis fiscal au sein même de l’Europe ! Jean-Claude Juncker a été personnellement mis en cause dans l'affaire Luxleaks qui révèle de manière détaillée l'organisation de l'exil fiscal de plus de 1000 entreprises avec l'approbation de l'administration luxembourgeoise des impôts...

La nomination de ces deux personnages à la tête des deux plus importantes institutions européennes, avec l’aval de François Hollande qui n’a pas osé mettre son veto, n’est sans doute pas étrangère au manque de volonté de l’Europe de lutter efficacement contre les paradis fiscaux et au renoncement partiel à la taxe Tobin…

C'est une anomalie démocratique grave à l'heure où il est nécessaire d'incarner une rupture pour redonner aux citoyens le goût de l’Europe et de la politique. 

Mais aujourd’hui, aucun pays n'est condamné à une servitude économique et monétaire permanente. Rappelons qu’en d’autres temps, le président Roosevelt aux Etats-Unis avait défini un New Deal, en décidant notamment une politique de grands travaux et une forte augmentation des impôts sur les personnes les plus riches, les banques et les entreprises. Plus récemment, l’Islande a laissé tout simplement ses trois principales banques faire faillite avant de les nationaliser, refusé de négocier avec la Banque Mondiale et le FMI avant de rééchelonner sa dette avec les créanciers privés à des taux d’intérêt modérés…


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