11 avril 2016

Panama Papers : en finir avec le secret bancaire !

Pays de 75 420 km2
Les Panama Papers désignent la fuite de plus de 11,5 millions de documents confidentiels issus du cabinet d'avocats panaméen Mossack Fonseca, détaillant des informations sur plus de 214 000 sociétés offshore.  

Ces révélations sont certes importantes mais vouloir faire croire, comme François Hollande, son ministre des finances Michel Sapin et son secrétaire d’Etat au budget Christian Eckert, que l’administration française a découvert, à la lecture de ces documents, les exploits des sociétés financières françaises présentes au Panama relève de la plaisanterie…


Parmi les actionnaires de ces sociétés se trouvent des hommes politiques, des milliardaires, des sportifs de haut niveau ou des célébrités. Les chefs d’États de cinq pays (Arabie saoudite, Argentine, Islande, Ukraine et Émirats Arabes Unis) sont directement incriminés par ces révélations, tout comme des membres de leurs gouvernements, des proches et des associés de chefs de gouvernements de plus de 40 autres pays, tels que l'Afrique du Sud, la Chine, la Corée du Sud, le Brésil, la France, l'Inde, la Malaisie, le Mexique, le Pakistan, la Russie, le Royaume-Uni et la Syrie.

En France, l'ancien ministre délégué au budget accusé de fraude fiscale, Jérôme Cahuzac, est cité ainsi que le maire de Levallois-Perret, Patrick Balkany, Arnaud Claude, l'associé de Nicolas Sarkozy, l'homme d'affaires franco-israélien Patrick Drahi, patron du fonds d'investissement Altice et propriétaire de SFR, de Libération et de L'Express, Jean Marie Le Pen et plusieurs proches de Marine Le Pen, l'éditeur Jacques Glénat, patron des éditions Glénat. 


Au total, les noms d'une quinzaine des 500 plus grandes fortunes françaises apparaissent dans les fichiers. Deux banques francophones font partie des entreprises nommées, la Société générale et la banque Edmond de Rothschild. Selon le journal belge Le soir, Waldemar Kita, le président du FC Nantes est lui aussi concerné.

Initialement envoyées au quotidien allemand Süddeutsche Zeitung en 2015, les données ont rapidement été partagées avec les rédactions de medias dans plus de 80 pays par l'intermédiaire de l'International Consortium of Investigative Journalists (ICIJ), basé à Washington. Les premiers articles ont été publiés le 3 avril 2016, accompagnés de 149 documents. D'autres révélations suivront les publications initiales, l'intégralité des sociétés mentionnées par les documents devant être dévoilée d'ici mai 2016.
 

L'hypocrisie des promesses gouvernementales 


François Hollande s’est félicité de ces publications en assurant qu’elles allaient permettre de faire rentrer des capitaux évadés dans les caisses du Trésor public et que la justice française comme le fisc ne manqueraient pas de poursuivre les amateurs de paradis fiscaux.

Une promesse dont rien n'indique qu'elle sera suivie d'effets sensibles pour l'ensemble des personnes et des sociétés concernées. Une promesse sans doute aussi pour faire oublier ce qui s’est passé à Paris les 17, 18 et 19 février lors de la session plénière du groupe d’action financière (GAFI) qui regroupe les principales puissances économiques pour lutter contre le blanchiment d’argent. 

Au cours de cette session et avec l’accord de Bercy, le Panama a été sorti de la liste grise du GAFI (états ou territoires qui se sont engagés à respecter les standards internationaux mais ont à ce jour signés moins de douze accords). Traduction : le Panama n’est plus un paradis fiscal car il accepte désormais de coopérer avec les autres états pour lutter contre la fraude fiscale !

Cette décision qui n’a pas manqué de surprendre bien des experts en la matière, avait été précédée, en 2011, d’une première décision, tout aussi étonnante. Le GAFI, toujours avec l’accord de la France, avait alors accepté que le Panama n’apparaisse plus dans l’infamante liste noire (états ou territoires qui ne se sont pas engagés à respecter les standards internationaux : Costa Rica, Malaisie-Labuan, Philippines, Uruguay).   

De plus, depuis plusieurs années, l’autorité de contrôle prudentiel et de résolution, organe qui surveille les activités des banques et des compagnies d’assurances hexagonales connaît parfaitement les activités des filiales dont les établissements français disposent au Panama.

Pire, Michel Sapin, le ministre des finances et son homologue panaméen, Dulcidio De La Guardia se sont rencontrés le 16 février dernier dans les salons de Bercy. Ce jour-là, le ministre panaméen avait une bonne raison de se réjouir car avec l’aide de la France, il venait d’obtenir que son pays ne figure plus sur la liste des pays non coopératifs en matière de fraude fiscale.

François Hollande a d'autre part remercié à cette occasion les lanceurs d’alerte : « C'est grâce à un lanceur d'alerte que nous avons maintenant ces informations. Ces lanceurs d'alerte font un travail utile pour la communauté internationale, ils prennent des risques, ils doivent être protégés. » en oubliant qu’il avait refusé en 2013 la demande d’asile pour un autre lanceur d’alerte en la personne d’Edward Snowden, l'ex-employé de la NSA, célèbre pour avoir révélé la surveillance massive opérée par les renseignements américains et britanniques sur le reste du monde. 

Heureusement que d'autres personnes ne varient pas dans leur jugement. L’ancienne juge du pôle financier, Eva Joly, qui s’est engagée depuis de plus de 20 ans en faveur de la levée du secret bancaire, lance une pétition afin de lutter contre l’évasion fiscale des multinationales. L’eurodéputée exige la levée du secret fiscal et des sanctions contre les banques. « Le temps du secret, celui du verrou de Bercy, des régulations européennes frileuses et de l’impunité des banques et des intermédiaires doit prendre fin »…

Dans les années 90, l’affaire Elf, instruite par Eva Joly, avait déjà permis de comprendre le véritable problème que représente la corruption. Elle souhaite aujourd’hui  « créer un nouveau rapport de force », et demande la constitution d’une équipe pour enquêter « exclusivement » sur le scandale soulevé par les Panama Papers, composée de « gendarmes, de policiers, de juges d’instructions ».

La fraude fiscale est estimée par la commission européenne à 1 000 milliards d’euros par an pour le seul continent européen. « Le déficit public européen serait résolu en un an », a souligné l’eurodéputée.


Condamnant la faiblesse de l’action gouvernementale alors que la France est 24e au classement de l’ONG Transparency International, Eva Joly s’en prend aussi aux responsables gouvernementaux français : « Leur rhétorique est excellente ; ils ont un bon service com mais on voit bien qu’ils sont contre la transparence »...  



Les Panama Papers ont révélé la façon dont certaines élites utilisent le secret pour cacher leurs activités financières. Ce secret permet à de riches individus de ne pas payer leur part normale d’impôts, mais il permet également à la grande criminalité de se financer, de l’esclavage humain à la vente d’armes illégales en passant par le financement du terrorisme.

Quand de riches individus ou des criminels cachent leur argent des services fiscaux, cela ne les rend pas plus riches, cela rend les autres plus pauvres. Ce qui n’est pas collecté pour l’impôt manque aux budgets publics pour financer des services essentiels tels que la santé, l’éducation ou la protection de l’environnement.  

Les révélations montrent comment de très grandes banques ont organisé la création de sociétés écrans dans les paradis fiscaux. 365 banques, parmi lesquelles la Société générale, HSBC, UBS ou encore la Deutsche Bank ont créé plus de 15 000 sociétés offshores pour des clients fortunés. Les banques sont les complices des paradis fiscaux, fers de lance de l’injustice. 

Depuis plus de 20 ans, comme magistrate ou parlementaire européenne, j’affronte cette injustice fiscale et démocratique. Ce système a de très puissants soutiens, mais la mobilisation citoyenne a le pouvoir de mettre fin à l’injustifiable. Le temps du secret, celui du verrou de Bercy, des régulations européennes frileuses et de l’impunité des banques et des intermédiaires doit prendre fin.

Nous demandons que les gouvernements européens poursuivent en justice les banques et les intermédiaires qui laissent leurs clients cacher leurs actifs dans des paradis fiscaux sans informer les administrations fiscales des agissements suspects de citoyens européens.

Eva Joly - Députée européenne 


Cette pétition est lancée simultanément en Allemagne par Sven Giegold - député européen, au Royaume-Uni par Molly Scott Cato - députée européenne, en Espagne par Ernest Maragall & Ernest Urtasun, députés européens.


> Signer la pétition ICI


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