12 mai 2016

L'utilisation de l'article 49.3 de la constitution tue la démocratie…

Article 49 alinéa 3 de la constitution
Comme prévu initialement par le Premier ministre Manuel Valls et la ministre du travail, Myriam El Kohmri, l’article 49.3 de la constitution a été utilisé par le gouvernement de François Hollande pour faire passer le projet de loi Travail.

Ce texte qui donne désormais la priorité à l’accord d’entreprise par rapport à la loi ou l’accord de branche professionnelle officialise ainsi ce qu'on appelle l’inversion de la hiérarchie des normes et revient sur un droit du travail acquis par un siècle de luttes sociales…


L’article 49.3 de la Constitution du 4 octobre 1958 permet au gouvernement d'imposer l'adoption d'un texte par l'Assemblée nationale, immédiatement et sans vote, ce à quoi l'Assemblée ne peut s'opposer qu'en renversant le gouvernement par une motion de censure. C'est l'une des dispositions les plus connues de la Constitution qui illustre une volonté de renverser les rapports entre gouvernements et parlements au profit des premiers. 

Une décision de dernier recours, destinée à tordre le bras à sa propre majorité lorsque celle-ci est récalcitrante comme c’est le cas avec les frondeurs du PS. A noter que le 49-3 est un fusil à un coup : il ne peut servir qu'une seule fois par session parlementaire, hors vote budgétaire.

Un peu d’histoire

Cet article a été conçu en 1958 par le père de la Constitution, Michel Debré, comme un instrument censé éviter au gouvernement de devenir l’otage des « petits » partis dans le cas d’une coalition gouvernementale qui était le cas le plus fréquent avant 1958. Avec d’autres articles, il visait donc à protéger une majorité contre la « flibuste » parlementaire à laquelle peut être tentée de se livrer l’opposition en déposant par exemple plusieurs centaines d'amendements à un projet de loi. Ce sont donc ces raisons qui expliquent que l’article 49-3 ait été maintenu dans la Constitution, et ce quels que soient les commentaires des uns et des autres.  
Le 49.3 a été utilisé 83 fois depuis le début de la 5ème République : 32 fois par la droite et le centre, 51 fois par la gauche. Il a été utilisé à 45 reprises depuis 1988. Le gouvernement Michel Rocard (mai 1988-mai 1991 l’a utilisé 28 fois mais il est vrai que l’ancien Premier ministre n’avait alors pas de majorité absolue au Parlement. Plusieurs textes ont été adoptés grâce au 49-3, notamment la loi créant le Conseil supérieur de l'audiovisuel, la réforme du statut de la Régie Renault et la loi de programmation militaire 1990-1993.
Il faut noter qu’il n'a jamais été utilisé entre 1997 et 2002 par le gouvernement de Lionel Jospin et entre 2007 et 2012 par le gouvernement de François Fillon sous la présidence de Nicolas Sarkozy. Son dernier recours remonte à 2006 avec Dominique de Villepin, lors du vote du contrat première embauche (CPE).

Un aveu de faiblesse

L’usage de cet article par le gouvernement de François Hollande, après l’abandon du projet de réforme constitutionnelle, en dit long sur l’état actuel du pouvoir. Il a déjà utilisé notamment lors de l’examen de la loi Macron instaurant le travail du dimanche, l'extension du travail de nuit, la privatisation d'aéroports, etc.
L’article 49-3 est souvent présenté comme un acte d‘autoritarisme, un dispositif anti-démocratique par la gauche qui jamais, depuis 1981, n’a envisagé de le retirer de la Constitution.
Ce qui apparaît aujourd’hui est bien un détournement de la procédure par un gouvernement dont la politique elle-même a détruit sa majorité parlementaire. C’est le trouble engendré par le changement de politique de la part du gouvernement qui rend l’adoption de la loi « El Khomri » aussi périlleux. Car il faut rappeler une évidence : on est élu sur un programme. Si l’on veut changer de programme, il convient d‘appeler à de nouvelles élections afin de prendre les français à témoin.
User du 49-3 parce que l’on n’a pas eu ce courage correspond à un viol de la démocratie. Se servir de la Constitution pour maintenir en l’état un gouvernement désormais minoritaire comme l’on se servait d’un corset de fer pour maintenir debout un paralytique est un détournement de l’esprit de la Constitution. 

Le 49.3 ne fait que renforcer la méfiance des Français envers leurs institutions, chose grave dans la situation actuelle. François Hollande ne devra plus s’étonner de l’opprobre dont il est couvert et que les sondages catastrophiques, que ce soit pour le Président ou pour le Premier-ministre, révèlent.

Tous les camps politiques de gauche ou de droite crient respectivement au scandale lorsque celui-ci est utilisé par le camp adverse mais aucun camp ne se décide à abroger cet article de la constitution de 1958. En 2006, François Hollande, alors dans l'opposition, n'avait pas de mots assez durs pour qualifier l'utilisation du 49.3 ! Il avait alors déclaré : « Le 49.3 est une brutalité, le 49.3 est un déni de démocratie, le 49.3 est une manière de freiner ou d'empêcher le débat parlementaire »...
  
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