13 août 2016

La Chine friande des terres agricoles françaises

Une terre arable est une terre qui peut être cultivée
Après la haute couture, les hôtels de luxe, les vignobles, les chinois achètent maintenant des terres agricoles. En moins de deux ans, ces investisseurs ont acquis cinq exploitations dans l’Indre pour une surface totale de 1 700 hectares.

Profitant d’une faille juridique, les acheteurs contournent les instances chargées du contrôle du secteur foncier agricole, tout cela dans le silence assourdissant du gouvernement et des médias…


La ferme est abandonnée, les vaches ont quitté depuis longtemps l’étable mais les terres de La Tournancière, une ferme située à Vendœuvres, dans le département de l’Indre, sont toujours cultivées. Colza, blé, orge sont en rotation culturale pour le maintien de la fertilité des sols et l'augmentation des rendements. Le propriétaires n'est plus un agriculteur mais la société Hongyang, un fonds de gestion chinois.

La production de La Tournancière est ainsi gérée par un chef de culture salarié et par le recrutement de main d’œuvre temporaire aux moments nécessaires pour les semis et la récolte. C'est la même organisation à La Chambrisse, à Châtillon-sur-Indre, une autre exploitation céréalière de 1 000 hectares cédée aux Chinois et dans d'autres fermes.

« Nous sommes contre la reprise d’exploitation sans installation. Il faut contrôler ces acquisitions, les limiter à 200 hectares et y installer un jeune avec un bail de carrière. »  réclame un représentant de la Fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles (FDSEA) de l'Indre qui s’inquiète des projets du fonds de gestion chinois. D’après ses informations, des négociations seraient en cours pour l’achat de nouvelles exploitations : « Si les investisseurs acquièrent 10 000 hectares, ils pourront constituer leur propre filière et exporter vers la Chine. C’est donc notre sécurité alimentaire qui est en jeu. »

Mais que font les instances normalement chargées de contrôler la vente des exploitations agricoles ? Rien car elles ont été tout simplement tenues à l’écart.

Les Sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer) sont censées protéger les terres agricoles. Normalement informées des projets de vente par les notaires, elles disposent d’un outil juridique - le droit de préemption - pour acheter à la place de l’acquéreur initial. Le but est de revendre à une personne dont le projet correspond mieux à l’intérêt général.

Deuxième principe de régulation : le contrôle des structures, qui soumet l’exploitation des terres à une autorisation de l’État. Une personne qui s’installe ou s’agrandit doit effectuer cette démarche.

Alors, comment les investisseurs chinois ont-ils pu passer outre ? En exploitant une faille dans ce système. Toute entreprise agricole doit adopter en effet un statut juridique : soit l’exploitation individuelle, soit la société agricole. Or, la Safer n’a pas le droit de préempter des parts de société. « Il suffit donc d’organiser la cession en vendant des parts sociales », explique Dominique Granier, trésorier de la Fédération nationale des Safer. En clair, il suffit à l’agriculteur exploitant individuel de passer en société agricole. Ensuite, le fonds de gestion rachète la quasi-totalité de ses parts, le vendeur restant exploitant minoritaire et titulaire de quelques parts. Ainsi, nul besoin de passer par la Safer, ni par le contrôle des structures.

Cette pratique s’avère donc tout à fait légale. La loi d’avenir adoptée fin 2014 a bien permis à la Safer d’exercer son droit de préemption sur une société si 100 % des parts sont mises en vente mais en cas de cession partielle, la Safer ne peut préempter. « Avec le ministère de l’Agriculture, nous cherchons aujourd’hui une solution pour que le foncier ne nous échappe plus », explique encore Dominique Granier.

Pour financer tous ces achats de terres agricoles en France mais aussi ailleurs dans le monde (la Chine est particulièrement avide de terres agricoles en RD du Congo, Mozambique, Tanzanie, Ouganda, Zimbabwe, Zambie, et Cameroun), les investisseurs chinois créent des sociétés ou des trusts à Hongkong, à Singapour ou dans les îles Vierges, afin de faire transiter les fonds. Pour éviter la pression fiscale, 88% des investissements chinois à l’international passent par des sociétés offshore. Ils installent leur holding foncière au sein même de l’Europe, aux Pays-Bas, en Belgique ou au Luxembourg. 

Ces tractations sont facilitées par l’implantation récente en Europe d’établissements financiers comme Bank of China ou Export-Import Bank et par la cécité complice de la Commission européenne. Elles permettent aux Chinois de faire désormais leurs emplettes partout en France sous l’œil bienveillant des autorités françaises…


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