23 décembre 2016

Christine Lagarde : responsable mais pas coupable...

Idéal fondamental pour la vie sociale et la civilisation
Christine Lagarde a été mis en examen en juillet 2014 à propos de l’affaire Tapie - Crédit lyonnais et renvoyée devant la Cour de justice de la République le 17 décembre 2015, pour « négligence d’une personne dépositaire de l’autorité publique ».

Le 19 décembre 2016, le verdict tombait : Christine Lagarde est condamnée mais dispensée de peine. Un jugement qui fait polémique et le sentiment qu’il y a deux poids deux mesures selon que l’on est puissant ou misérable. Un verdict toutefois qui n’est pas surprenant de la part d’une cour d’exemption qui a toujours été clémente envers les personnalités politiques jugées…


La Cour de justice de la République est une juridiction compétente pour juger les infractions commises par les membres du gouvernement pendant l’exercice de leurs fonctions. Elle a été créée par la loi constitutionnelle du 27 juillet 1993 à la suite de l’affaire du sang contaminé et de la multiplication des affaires politico-financières, à la fin du second mandat de François Mitterrand.
La Cour comprend quinze juges dans sa formation de jugement : douze parlementaires (dont six députés et six sénateurs) et trois magistrats du siège de la Cour de cassation, dont l’un est président de la Cour. Les parlementaires sont élus par l'Assemblée nationale et par le Sénat après chaque renouvellement général ou partiel. Les magistrats sont élus par la Cour de cassation. Chacun des juges a un suppléant élu dans les mêmes conditions.
Cette Cour est régulièrement critiquée pour son manque de célérité et sa complaisance envers les anciens ministres. Par ailleurs elle oblige parfois à un découpage d’une même affaire quand des proches de ministres doivent être jugés (« volet ministériel » et « volet non-ministériel »). Depuis sa création, elle s’est réunie à cinq reprises en formation de jugement.
Dans son arrêt du 9 mars 1999, concernant l'affaire du sang contaminé, la Cour a déclaré non-constitués, à la charge de Laurent Fabius (Premier ministre entre 1984 et 1986) et Georgina Dufoix (ministre des Affaires sociales et de la Solidarité), les délits d'atteintes involontaires à la vie ou à l'intégrité physique des personnes. D'autre part, elle a déclaré coupable Edmond Hervé (secrétaire d'État à la Santé) des délits d'atteintes involontaires à la vie. Cependant, Edmond Hervé est dispensé de peine en raison du fait de n'avoir pas pu, pendant la longue affaire du sang contaminé, « bénéficier totalement de la présomption d'innocence et (avoir été) soumis, avant jugement, à des appréciations souvent excessives.

Ségolène Royal a été poursuivie en diffamation par deux enseignants du lycée Thiers de Marseille. La Cour de Justice de la République (arrêt du 16 mai 2000), après avoir considéré que « le fait de reprocher à des enseignants, aisément identifiables, d'avoir permis la commission d'actes de bizutage est de nature à porter atteinte à leur honneur et à leur considération », estime que la ministre a toutefois rapporté « la preuve parfaite, complète et corrélative des faits qu'elle impute aux plaignants » et est donc relaxée.
Michel Gillibert, secrétaire d'État aux handicapés entre 1988 et 1993, a été condamné par la CJR (arrêt du 7 juillet 2004) pour escroquerie au préjudice de l'État (détournement de 1,3 million d'euros). Une peine de trois ans d'emprisonnement avec sursis, 20 000 euros d'amende et cinq ans d'inéligibilité et d'interdiction de vote a été prononcée.
Charles Pasqua a été renvoyé devant la CJR le 17 juillet 2009. Trois chefs d'accusation ont été émis contre l'ancien ministre de l'Intérieur : « complicité et recel d'abus de biens sociaux » dans le transfert du siège de GEC-Alstom ; « corruption passive par une personne dépositaire de l'autorité publique » dans l'affaire du casino d'Annemasse ; « complicité et recel d'abus de biens sociaux » dans le dossier de la Sofremi. Le procès a lieu en avril 2010 : quatre ans de prison sont requis, mais au final Charles Pasqua est relaxé pour les deux premières affaires et condamné à une année avec sursis dans celle de la Sofremi.
Et aujourd’hui, le jugement concernant Christine Lagarde est de la même veine. Reconnue coupable de négligence en tant que personne dépositaire de l’autorité publique, elle est cependant dispensée de peine. Une décision injuste et incompréhensible au vu de la gravité des faits reprochés. La décision de la ministre de ne pas exercer un recours en annulation dont les chances de succès n'étaient pas négligeables a rendu inéluctable l'appropriation frauduleuse par les époux Tapie de la somme de 45 millions d’euros !
Devant la clémence dont fait preuve la CJR à l’égard des personnalités politiques jugées, la création de cette Cour est souvent considérée comme une erreur. En 2012, la commission sur la rénovation et la déontologie de la vie publique présidée par Lionel Jospin prévoyait la suppression de la Cour. Pour ce faire, un projet de loi constitutionnelle est présenté en Conseil des Ministres en mars 2013 mais n’est pas été discuté au Parlement.
La suppression de la cour faisait également partie des promesses de campagne de François Hollande : « Les ministres sont des citoyens comme des autres, ils n'ont pas besoin d'une protection particulière ». Le 6 février 2012, celui qui n'était encore à l'époque que candidat socialiste à la présidentielle, assurait en ces termes qu'il supprimerait, aussitôt élu, la Cour de justice de la République mais cette résolution, comme beaucoup d’autres, est demeurée lettre morte…

 
Pétition adressée à :
- François Hollande, président de la République
- Claude Bartolone, président de l'Assemblée nationale
- Gérard Larcher, président du Sénat
- Martine Ract Madoux, présidente de la Cour de justice
- Bertrand Louvel, Premier président de la Cour de cassation



Le 13 mai 2016 dernier une personne sans domicile fixe de 18 ans, qui s'était introduite dans une maison de Figeac pour y voler du riz et des pâtes "par nécessité", a été condamnée à 2 mois de prison ferme par le tribunal correctionnel de Cahors*.

Ce 19 décembre 2016, Madame Christine Lagarde vient d'être jugée coupable par la Cour de Justice de la République tout en étant dispensée de peine.

Quelle honte pour notre "démocratie" ! Qu'est-ce donc sinon un tribunal d'exception qui vient d'appliquer une décision incompréhensible et injuste au vu de la gravité des faits reprochés !

Faut-il rappeler ici les propos de la présidente de la CJR** : "La décision de la ministre de ne pas exercer un recours en annulation dont les chances de succès n'étaient pas négligeables a rendu, in fine, inéluctable l'appropriation frauduleuse par les époux Tapie de la somme de 45 millions d’euros, ce qui constituait l'aboutissement d'un processus délictuel engagé de longue date."

Ainsi donc, Madame Lagarde est coupable, mais dispensée de peine. Est-ce à dire qu'être ministre dispense de toute responsabilité devant la loi ?

Voilà maintenant que les puissant-es seraient dispensé-es de la justice ordinaire, et surtout de ses sanctions ! Ce jugement est insupportable et génère colère et ressentiment. Il est dangereux pour la paix sociale dans notre pays.

Or, Benjamin Berell Ferencz, qui fut procureur au Tribunal de Nuremberg, considérait qu'"il ne peut y avoir de paix sans justice, ni de justice sans loi, ni de loi digne de ce nom sans un tribunal chargé de décider ce qui est juste et légal dans des circonstances données".

Il ne peut y avoir de paix sans justice.

La décision prise par la CJR** révèle à quel point notre système démocratique, sous sa forme actuelle, est malade. Elle met également en lumière la fracture qui existe entre le monde politique et les citoyen-nes ordinaires qui ne supportent plus de telles entorses aux principes fondateurs que sont : "Liberté, égalité, fraternité."

En effet, n'est-ce pas une terrible illustration de ce qu'écrivait Jean de la Fontaine dans "Les animaux malades de la peste" :

" Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir " ?

C'est pourquoi, Monsieur le Président de la République, Monsieur le Président de l'Assemblée Nationale et Monsieur le Président du Sénat, par cette pétition, nous exigeons que le droit s'applique à Madame Christine Lagarde comme il s'applique à n'importe lequel des citoyens ordinaires de ce pays. L'ancienne Ministre de l'Économie doit répondre de ses actes devant un tribunal correctionnel ordinaire et en assumer les conséquences.

Sans quoi, l'avertissement du procureur Ferencz pourrait bien se traduire dans notre société par de funestes conséquences électorales dans les mois qui viennent…

* Jugement d’une sévérité peu commune et incompréhensible !
** Cour de Justice de la République


Signer la pétition ICI


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