29 novembre 2017

Prolonger la licence du glyphosate pour cinq ans est un véritable scandale !

Le glyphosate est un herbicide total foliaire systémique
La commission de Bruxelles vient de prolonger l’autorisation de l’utilisation du glyphosate pour cinq ans, soit en fait une prolongation de six ans et six mois au total si l’on considère qu’elle avait déjà, au printemps 2016, prolongé temporairement  de 18 mois la licence qui arrivait à expiration. 

Une nouvelle fois, le lobbying intense des industriels de l’industrie chimique auprès des membres de la commission européenne a porté ses fruits…


Le glyphosate est couramment utilisé comme désherbant agricole, domestique et urbain. On retrouve ses traces dans les champs, les jardins, les rues, les aires de jeux d’enfants et bien sûr dans la nourriture. Près de 50% des fruits et des légumes produits par l’agriculture intensive contiennent des résidus qui finissent dans nos organismes, apportés par les aliments consommés mais aussi par l’eau et l’air.  

De plus, son usage massif par les agriculteurs, depuis la fin des années 1990, a conduit à l'apparition de mauvaises herbes résistantes au produit tandis que les végétaux comestibles, les insectes de surface et la faune sous terre finissent par être détruits.

Aux Etats-Unis, une étude publiée par l’US Geological Survey a montré que dans certaines régions, le glyphosate était présent à des niveaux mesurables dans les trois quarts des échantillons analysés d’air et d’eau de pluie.

En Colombie, le glyphosate est notamment utilisé par le gouvernement pour détruire les champs de coca produisant de la drogue. Ces actions détruisent des milliers d'hectares de forêt tropicale, parfois classés réserves naturelles, comme la forêt du Putumayo, et des exploitations agricoles légales.

En France, il s’en répand près de 10 000 tonnes chaque année. Selon un rapport rendu par l’Agence de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), « le glyphosate est en France le principal responsable du déclassement de la qualité des eaux ». 

Un produit nocif très ancien 


En 1950, un chimiste suisse, Henri Martin, synthétise pour la première fois le glyphosate, une molécule répondant au doux nom de N-phosphonomethyl-glycine. Il travaille pour le laboratoire pharmaceutique Cliag mais il ne trouve alors aucune application concluante pour sa découverte. 

Vingt ans plus tard, John Franz, chimiste lui aussi, cherche à créer un herbicide puissant pour son entreprise missourienne, Monsanto. Il découvre que le glyphosate tue les plantes en bloquant un enzyme dont elles ont besoin pour fabriquer des protéines. C’est ce qu’on appelle « un herbicide systémique à large spectre ». Le glyphosate est alors breveté sous le nom commercial de Roundup. 

Le vrai boom intervient à la fin des années 1990 quand Monsanto développe des organismes génétiquement modifiés (OGM) rendus tolérants au Roundup. À partir de 1996, la firme commercialise des cultures Roundup Ready (maïs, soja). Résultat, en 2013, ces dernières représentent 63 % du total des plantes transgéniques commercialisées. Avec l’expiration du brevet de Monsanto en 2000, une quarantaine de sociétés vendent désormais des produits à base de glyphosate. 

Mais des voix de plus en plus nombreuses s’élèvent pour dénoncer la nocivité du glyphosate sur l’environnement comme sur la santé. De l’Amérique latine à l’Europe, les preuves scientifiques pleuvent. 

En septembre 2012, le biologiste français Gilles-Éric Séralini se fait notamment connaître du grand public pour ses études sur les OGM et les pesticides, et en particulier pour une étude toxicologique portée par le Comité de Recherche et d'Information Indépendantes sur le génie Génétique (CRIIGEN) mettant en doute l'innocuité du maïs génétiquement modifié NK 603 et du Roundup sur la santé de rats. 

En mars 2015, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) publie une monographie classant le glyphosate parmi les « cancérogènes probables ou possibles » pour l’homme. L’évaluation des risques a été faite à partir d’études sur les expositions agricoles menées aux États-Unis, au Canada et en Suède. Les chercheurs ont méticuleusement passé en revue des publications indépendantes, en éliminant toutes les études commanditées par les multinationales en quête d’une validation de leur produit. 

En octobre 2016, se tient le Tribunal international contre Monsanto, à l’Institut des études sociales de La Haye. Un tribunal formel avec une trentaine de témoins (experts, avocats, choisis en fonction de la qualité de leurs recherches) qui ont partagé leur expertise et dénoncé les pollutions et les dommages causés par ce pesticide et les OGM. 

Mais que font les autorités européennes de réglementation ? Elles s’en remettent hélas à des évaluations réalisées par les multinationales. 58% des groupes scientifiques de l’Agence européenne de sécurité des aliments entretiennent des relations avec le secteur privé. La composition par exemple du groupe d’experts « Pesticides » de l’agence allemande est significative : le tiers des membres de ce comité sont directement salariés par des géants de l’agrochimie ou des biotechnologies !  

L'allemand Bayer a racheté récemment Monsanto et ce n’est donc pas un hasard si l’Allemagne a voté pour une prolongation de la licence du glyphosate de cinq ans le 27 novembre dernier…  

La France a  voté contre, proposant une prolongation moindre de 3 ans. Emmanuel Macron a déclaré sur Twitter. : " J'ai demandé au gouvernement de prendre les dispositions nécessaires pour que l'utilisation du glyphosate soit interdite en France dès que des alternatives auront été trouvées, et au plus tard dans 3 ans ".

Mais au-delà de ce pur effet d’annonce, le président de la République sait pertinemment qu'il ne pourra pas faire grand-chose dans les trois années qui viennent au risque de voir la France poursuivie par la commission européenne pour non-respect des règles de concurrence. Face au dogme de la libre circulation des marchandises, la France sera impuissante pour s'opposer à l'entrée sur son territoire de produits contenant du glyphosate venant des autres pays européens, du canada ou des Etats-Unis !

Finalement, ce nouvel épisode prouve une nouvelle fois que la commission de Bruxelles est toujours sous l’influence des lobbys de l’industrie chimique et des partisans de l’agriculture intensive. Alors qu’il faudrait faire valoir le principe de précaution dès maintenant et ne plus tolérer ce produit sur nos étalages, les instances européennes  continuent de tourner le dos à une agriculture raisonnable et durable dont le monde a besoin…  


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