11 décembre 2017

Quand l’Union européenne fait semblant de lutter contre l'évasion fiscale...

Chaque année, 60 à 80 milliards € échappent au budget de l’ÉtatLe Conseil pour les affaires économiques et financières (ECOFIN), rassemblant les ministres de l’économie et des finances de l’Union européenne, s’est réuni le 5 décembre dernier à Bruxelles pour discuter notamment des politiques de lutte contre l’évasion fiscale et établir une liste des paradis fiscaux. 

Mais curieusement, la liste est très incomplète et aucun Etat de l'Union européenne ne fait partie des 17 paradis fiscaux retenus…


Alors que les révélations des « Paradise Papers » rappelaient il y a peu de temps l’ampleur du phénomène des paradis fiscaux dans le monde, les décisions prises par l’UE ne sont pas à la hauteur des enjeux. 

La liste noire de paradis fiscaux tant attendue a été réduite à 17 noms d’Etat ou de juridictions, excluant notamment tout pays de l’Union européenne et ne sont pas accompagnées de sanctions coordonnées : les Samoa, les Samoa américaines, l’île de Guam, Bahreïn, Grenade, la Corée du Sud, Macau, les Iles Marshall, la Mongolie, la Namibie, les Palaos, Sainte-Lucie, Trinité-et-Tobago, la Tunisie, les Emirats arabes unis, le Panama et la Barbade.

De nombreux pays ont été écartés par principe alors qu’ils ne respectent pas les trois critères fixés par l’UE, à savoir l’échange automatique d’informations, l’équité fiscale et les mesures contre le déplacement des bénéfices préconisées par l’OCDE. C’est en particulier le cas des paradis fiscaux qui se trouvent au cœur de l’UE  tels que l’Irlande, le Luxembourg, les Pays-Bas, Malte, Chypre, l'ile de Jersey et la city de Londres.

D’autres pays tels que le Cap-Vert ou le Maroc, qui figuraient sur la liste examinée, n’ont finalement pas été retenus au motif que les deux pays avaient donné suffisamment de gages à l’UE, en prenant des engagements ces derniers jours pour changer leurs pratiques.

À titre d’exemple significatif, l’un des arguments avancés par la Commission européenne, concernant le redressement de 13 milliards d’euros auquel elle a condamné Apple en Irlande, souligne précisément que ce pays n’avait pas appliqué les règles de l’OCDE en matière de prix de transfert. Pourquoi alors ne se trouve-t-il pas sur cette liste noire ? De plus, Jersey, l’île de Man, ou encore l’île Maurice, pourtant épinglés dans les révélations des « Paradise Papers », n’y figurent pas non plus.

Attac France, indique : « malgré les effets d’annonce du ministre Bruno Le Maire expliquant que le principe des sanctions est acquis, les États ne sont pas parvenus à s’accorder sur des sanctions coordonnées à l’égard de ces pays. Les partisans de l’absence de sanctions, parmi lesquels le Luxembourg, Malte, l’Irlande et les Pays-Bas, semblent l’avoir emporté aujourd’hui, et l’Union européenne se contente de dresser une liste de mesures laissées à la responsabilité des États membres. Ainsi, la publication de cette liste constitue une diversion et ne répond en rien au scandale international que représente l’évasion fiscale des plus grandes multinationales ».

Les paradis fiscaux notamment à l’intérieur de l’Europe vont donc continuer à attirer tous ceux qui refusent la solidarité par l’impôt, laissant à leurs concitoyens le soin d’en acquitter la charge. Les grandes fortunes et les multinationales en font un usage massif. C’est d'ailleurs une des explications de l’appauvrissement relatif des Etats et de la diminution corrélative de leur capacité de régulation, voire de sauvetage du système lui-même.

Comme pour les précédentes listes, établies notamment par l’OCDE, l’impact de cette dernière liste risque d’être nul et masque mal l’absence de détermination politique à en finir avec l’évasion fiscale.

Pour mémoire, Tax Justice Network avait dénombré 83 paradis fiscaux en 2009 quand au même moment Nicolas Sarkozy affirmait " Les paradis fiscaux, c'est fini ". Et Oxfam France, association de développement qui lutte contre les injustices et la pauvreté, a publié en novembre 2017, sa propre liste noire de 35 pays répondant aux critères européens de paradis fiscaux, dont des pays de l’UE. 

Mais le sursaut politique qu’on aurait pu attendre des dirigeants européens n’a pas eu lieu, ce qui prouve une nouvelle fois que l’UE n’est guère réformable, le commissaire européen aux affaires économiques, monétaires et fiscales, Pierre Moscovici, allant jusqu'à dire « qu’il n'y a pas de paradis fiscal dans l'Union européenne »…


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