19 juin 2017

Après les élections législatives du 18 juin 2017, un scrutin à la proportionnelle s’impose plus que jamais...

Pour représenter fidèlement le vote des électeurs
Avec 32,3% des voix exprimées au premier tour des élections législatives du 10 juin 2017 et seulement 15,4% des électeurs inscrits, La République en marche et le Modem obtiennent au second tour 350 députés sur un total de 577, soit plus de 60% des sièges à l'Assemblée nationale. 

Un parti minoritaire dans le pays mais largement majoritaire dans l’hémicycle, la France continue de se distinguer depuis 1958 avec son scrutin majoritaire uninominal à deux tours, véritable aberration politique qui écarte de toute vraie représentation parlementaire plusieurs millions d’électeurs...


Cette anomalie démocratique pourrait prendre fin avec l'introduction de la proportionnelle dont l'objectif fondamental est de réduire l'écart entre la part du vote national que reçoit un parti et sa part de sièges au parlement, un parti important ou un petit parti devant obtenir à peu près un nombre de sièges proche du pourcentage de voix obtenues dans le pays.  

Ce type de scrutin empêcherait la formation de majorité stable, dit-on en France mais 24 pays de l’Union européenne sur 27 ont recours à la représentation proportionnelle intégrale ou à un scrutin mixte pour élire leurs députés. Ce système domine en Europe de l'Ouest ainsi qu’en Amérique Latine et représente environ un tiers des pays en Afrique. Dans ces pays, toutes les composantes politiques légales, y compris les extrêmes, sont représentées au sein des parlements nationaux.  

Une excellente étude menée par la Fondation pour l'innovation politique (http://www.fondapol.org) démonte littéralement les vieilles théories sur la soi-disant inefficacité de la représentation proportionnelle. En effet, tout porte à croire qu'à l'exception de celles de 1997, toutes les élections législatives, organisées avec le système Joxe de 1986 (proportionnelle intégrale dans le cadre de circonscriptions départementales), permettent la formation d’une majorité parlementaire digne de ce nom.  

L’hostilité conjointe des Républicains et du PS n’a pas permis à ce jour d’instituer un système proportionnel  


Après ces élections législatives - et déjà dès le soir du premier tour le 10 juin -  les pleureuses des Républicains et du PS ont regretté le vote massif des électeurs en faveur des candidats en Marche. 

Mais Les Républicains, fidèle à leur culture de parti hégémonique et godillot, n’ont jamais voulu renoncer au scrutin majoritaire, même si certains dirigeants  amusent quelquefois la galerie en réfléchissant à l’hypothèse d’une dose de proportionnelle, de préférence homéopathique. 

Quant au PS, en page 62 de son petit opuscule « Réussir ensemble le changement » il se disait favorable à l’élection d’un député sur cinq élu à la proportionnelle, soit 20%, mais François Hollande n’a absolument rien fait au cours de son quinquennat et ce malgré une promesse électorale en 2012 de changer le mode de scrutin. Déjà en 1958, les socialistes de l’époque (ex SFIO) apportèrent leur soutien au Général de Gaulle pour faire disparaître le scrutin proportionnel qui rimait avec le régime des partis. Il n’y a qu’en 1983, pour des raisons bassement électorales, que Laurent Fabius proposa la proportionnelle intégrale pour favoriser le Front National et ainsi mieux isoler la droite...  

Des circonscriptions électorales découpées de façon fantaisiste 


Outre le caractère anti-démocratique du scrutin majoritaire, un deuxième scandale réside dans le fait d’avoir découpé les 577 circonscriptions législatives (555 en métropole et 22 en Outre-mer) selon les mêmes miroirs déformants que pour le découpage des cantons : sur-représentation de certaines populations, sous-estimation d’autres, volonté de voir au moins deux députés par département sans tenir compte du nombre d’habitants, etc.  

Le dernier charcutage des circonscriptions, opéré par un orfèvre en la matière - Charles Pasqua - date de 1986 et il était fondé « officiellement » sur le dernier recensement de 1982. C’est ainsi qu’à Saint Pierre et Miquelon le 18 juin 2017, il a fallu 1886 voix sur 4974 inscrits pour élire un député alors que dans la dixième circonscription des BdR, il en a fallu 22 976 sur un total de 106 109 inscrits !  

Dans le premier tome de ses Mémoires, « Ce que je sais », Charles Pasqua explique comment il parvint à faire adopter ce découpage, sans trop de heurts : « S’agissant de cette loi électorale et du remodelage des circonscriptions qu’elle organisait, je dirais qu’elle garantissait, en conditions normales de scrutin, un tiers des sièges à la droite, avec un petit avantage au RPR (ce qui correspondait au rapport des forces dans le pays), un tiers à la gauche, l’attribution du dernier tiers résultant de la glorieuse incertitude du vote ». 

Le principe constitutionnel est ainsi bafoué constamment depuis 1958 sans qu’aucun gouvernement ne change vraiment ces règles. Même le conseil constitutionnel a renoncé à une règle qu’il avait lui-même pourtant édictée selon laquelle chaque circonscription ne devrait pas s’écarter en proportion de plus de 20% de la moyenne départementale ; ce qui revient à dire que dans un département de 400 000 habitants, comptant quatre circonscriptions, aucune ne doit avoir moins de 80 000 habitants, ou plus de 120 000. Or, près de 100 circonscriptions bafouent aujourd’hui cette règle établie par les partisans du scrutin majoritaire ! 

Les modalités d’un scrutin proportionnel sont essentielles


La proportionnelle peut être soit intégrale (totalité des sièges) soit partielle (scrutin mixte). Dans le cas d’un scrutin mixte, la dose de proportionnelle est un élément déterminant. Cette dose devrait être au minimum de 50 % de députés élus au scrutin proportionnel plurinominal, et l’autre moitié au scrutin majoritaire de circonscription comme cela se fait dans une écrasante majorité de pays européens.  

D’autres facteurs jouent aussi un rôle important. C’est ainsi que la formule utilisée pour calculer la répartition des sièges peut avoir un effet sur les résultats de l'élection. On utilise en général soit la méthode de la « plus forte moyenne » ou celle du « plus fort reste ». Cependant, du point de vue des résultats globaux, il est encore plus important de tenir compte de deux autres facteurs : le seuil établi pour la représentation et la limite géographique des circonscriptions.  

Plus le nombre de représentants au sein d'une circonscription est élevé et plus son seuil de représentation est faible, plus le système électoral sera proportionnel et plus les petits partis minoritaires auront de chances d'obtenir des sièges. En Israël, le seuil est de 1,5%, alors qu'en Allemagne, il est de 5%. Aux îles Seychelles, il est de 10 % pour 10 sièges maximum répartis à la proportionnelle. En Afrique du Sud, en 1994, en l'absence d'un seuil légal de représentation, le Parti africain démocrate-chrétien a décroché deux des 400 sièges, avec seulement 0,45% du suffrage national.  

Quant à la détermination des limites des circonscriptions électorales pour les députés élus au scrutin majoritaire, elle suppose de redéfinir les frontières des circonscriptions actuelles en les agrandissant mais de de façon à respecter enfin le principe de l’égalité des voix, bafoué depuis 1958. Les députés peuvent être élus sur une liste nationale ou régionale mais si l’on veut rester au plus près de la réalité du terrain, la circonscription départementale est sans doute la plus appropriée pour assurer une représentation des différentes opinions et des territoires. 

Aujourd’hui et surtout après l’abstention des électeurs les 11 et 18 juin 2017 (51,3% au premier tour, le plus fort taux d'abstention depuis l'introduction du suffrage universel en 1848, et 57,3% au second), il n'y a plus aucune raison de continuer à élire nos députés au scrutin majoritaire. C'est intolérable parce que nous vivons aujourd'hui au XXIème siècle et que la France est une démocratie, loin des crises politiques de 1958.  

Parmi les partisans d’un scrutin mixte, seul, François Bayrou a toujours eu une position claire et équilibrée sur le sujet en proposant de changer la loi électorale de façon à ce que la moitié des sièges soit attribuée à la proportionnelle. Cela a d’ailleurs été une des 4 conditions mises pour son ralliement à Emmanuel Macron avant le premier tour de l’élection présidentielle. 

Concernant Emmanuel Macron, ce sujet de la proportionnelle ne figurait pas dans son programme de la campagne mais avant d’être élu à l’Elysée, le futur président s’est prononcé à plusieurs reprises en faveur d’une dose de proportionnelle. Cette promesse sera sans doute tenue mais il est à craindre d’ores et déjà que la dose de proportionnelle soit minime, voire purement symbolique…


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