Avec
l’annonce d’un nouveau durcissement de la politique de rigueur de son
gouvernement, Nicolas Sarkozy n’en finit pas de tenir des propos marqués par
des erreurs et des idées fausses qui continuent à structurer des choix
politiques particulièrement injustes en matière fiscale.
Pour
le Président de la République, il faut davantage d'impôts proportionnels ou de
taxes que d'impôts progressifs, au risque de faire peser la charge fiscale
principalement sur les classes moyennes et modestes…
Le
pays a besoin de justice sociale et fiscale mais le gouvernement préfère durcir
encore la réforme des retraites, augmenter la TVA en touchant au taux réduit,
baisser les allocations familiales et les allocations logement puisqu'elles
seront moins réévaluées que le taux d'inflation, etc. Quant à l’annonce du gel
de la rémunération des ministres et du président de la république qui s’est
augmenté de 172% en début de mandat, elle est l’arbre qui cache la forêt de
l’iniquité.
Il en
est de même de l'argument d'un Etat trop dispendieux sans cesse avancé pour
justifier cette politique de rigueur. Car ce ne sont pas les dépenses
publiques, et leur supposée croissance non maîtrisée, qui sont responsables du
déséquilibre des déficits publics mais bel et bien la volonté de limiter le
rôle de l'impôt progressif sur le revenu qui représente désormais plus que 18 %
des recettes budgétaires de l’Etat contre 82% pour les impôts indirects !
Et
dans ces maigres 18%, le taux est très faiblement progressif jusqu’au niveau
des « classes moyennes » puis devient franchement régressif au sein des 5% les
plus riches (soit 2,5 millions de personnes sur 50,4 millions), et surtout à
l’intérieur des 1% les plus riches (soit 0,5 million de personnes).
Les Français travailleraient pour l’État du 1er janvier au 1er juillet = Faux
En
déclarant que les Français travaillaient pour l’État du 1er janvier au 1er
juillet, Nicolas Sarkozy reprend une idée véhiculée par des courants
d'inspiration poujadistes qui suggèrent que les dépenses publiques, financées
notamment par les prélèvements publics, disparaissent dans un trou noir et sont
par nature économiquement inefficaces. Ce faisant, il commet une double erreur
:
- Tous les prélèvements publics (impôts et cotisations sociales) ne vont pas à l’État. Ces prélèvements représentent près de 42% du produit intérieur brut, parmi lesquels 15% vont à l’État, 6% aux collectivités locales et 21% à la Sécurité sociale.
- Ces prélèvements sont réinjectés dans l'économie sous forme de : pensions de retraites, remboursements de dépenses de santé, indemnisations chômage (ces différentes formes de la redistribution sociale représentent 30% du revenu des ménages), services publics gratuits (écoles), dépenses d’investissement (réseaux de transport), subventions et aides…
Les fonctionnaires ne vivraient pas la crise = Faux
Selon
Nicolas Sarkozy, les fonctionnaires ne subissent pas la crise. Or, les
fonctionnaires ne vivent pas dans une bulle. Dans l'exercice de leurs fonctions
ils sont au contact direct de la crise notamment lorsque les suppressions
d’emplois dégradent leurs conditions de travail.
Au
sein de la Direction générale des finances publiques par exemple, la très forte
augmentation de l'accueil s'explique largement par la crise : les contribuables
viennent demander en nombre des étalements de paiement, des remises gracieuses
et la tension s’accroît du fait des difficultés sociales et de la forte
affluence alors que les emplois manquent dans les services.
Enfin,
dans leur famille, leurs amis, les fonctionnaires subissent les effets de la
crise (les conjoints, enfants et amis ne sont pas tous fonctionnaires...).
La France serait le pays européen qui a les impôts les plus élevés = Faux
Toutes
les données statistiques officielles le démontrent, la France n'est pas le pays
européen qui a les « prélèvements obligatoires » les plus élevés. Selon
Eurostat, en 2009 (dernière année disponible), le taux de «prélèvements
obligatoires» par rapport au PIB s'élevait en France à 41,6%, derrière la Suède
(46,9%), le Danemark (48,1%), la Belgique (43,5%), l’Italie (43,1%), la
Finlande (43,1%) et l'Autriche (42,7%).
De
fait la France n'est pas «première». Mais encore faudrait-il comparer les
contreparties : les prélèvements financent les services publics, la protection
sociale, les aides publiques... Là où les prélèvements «publics» sont élevés,
les contreparties sont importantes. Là où ils sont faibles, les contreparties
sont faibles et il faut alors subir des prélèvements privés (assurances, fonds
de pension) pour bénéficier de la même couverture que dans les pays à
«prélèvements publics élevés».
Seuls
les impôts progressifs mettent en théorie davantage à contribution les plus
aisés. Pour la France, il s'agit de l'impôt sur le revenu et de l'impôt de
solidarité sur la fortune. Or, en France, l'impôt sur le revenu est le plus
faible d'Europe. Même si l'on prend le total de l'impôt sur le revenu et de la
contribution sociale généralisée, le niveau de l'imposition des revenus
français représente 7,3% du PIB en France contre 26,5% au Danemark, 13,5% en
Suède, 10,4% au Royaume-Uni ou encore 9,3% en Allemagne (données : 2009).
En
outre, le taux le plus élevé du barème de l'impôt sur le revenu est également
plus élevé dans de nombreux pays : il est de 41% en France contre 45% en
Allemagne et 50% en Grande Bretagne par exemple... Enfin, le taux moyen
d'imposition des plus riches en matière d'impôt sur le revenu est relativement
faible en France (grâce à plus de 500 niches fiscales) : il se situe, selon le
Conseil des prélèvements obligatoires, entre 15 et 20% pour le 1% de la
population la plus aisée...
Selon
la Cour des comptes, les niches fiscales coûtaient 70,7 milliards d’euros en
2009. Mais d’après le dernier rapport réalisé sous le magistère de Philippe
Séguin, on apprenait qu’un tour de passe-passe avait été réalisé par le
gouvernement pour amoindrir leur importance. Celles-ci ne représenteraient pas
70,7 milliards € ainsi que le mentionnent les documents officiels mais 146
milliards € ! Une somme colossale, puisque largement supérieure au produit de
l'impôt sur le revenu payé par les particuliers, qui était de 51,8 milliards €
en 2008 !
Avant
la crise, Nicolas Sarkozy et son premier Ministre François Fillon estimaient
déjà qu'il fallait réduire les impôts progressifs et la place de l'action
publique et de la protection sociale au risque d'alimenter la dynamique des inégalités.
Aujourd’hui,
leur orientation n'a guère variée. Ce sont toujours les mêmes idées fausses. On
préfère continuer à bricoler sur le plan fiscal et occulter ainsi la nécessité
d’une grande réforme fiscale prévoyant notamment la taxation de tous les
revenus sans distinction d'origine et la suppression de la plupart des
déductions, abattements, exonérations, niches fiscales pour mieux lutter contre
les déficits abyssaux...
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