08 septembre 2017

Ordonnances sur le Code du travail : un désordre syndical révélateur de la crise profonde du syndicalisme français…


Coordination des mouvements sociaux et politiquesLa CGT, la FSU, Solidaires et l'UNEF appellent à manifester le 12 septembre prochain pour protester contre la réforme du Code du travail et les ordonnances gouvernementales, contrairement à la CFDT et FO. 

Si ces divisions syndicales sont la continuation de divisions anciennes, historiques, confessionnelles ou datant de la guerre froide, elles sont d'autant plus dommageables pour les salariés qu'elles persistent dans une économie en crise grave...



En appelant initialement et seule à une manifestation le 12 septembre puis à une autre le 21, la CGT a pris le risque de ne pas réunir les meilleures conditions pour une mobilisation optimale des salariés. Dans ce contexte, FO a préféré faire bande à part, prétextant vouloir continuer à  négocier avec la ministre du travail, Muriel Pénicaud, en vue de la rédaction des nombreux décrets d’application que nécessiteront les cinq ordonnances prises. Quant à la CFDT, elle continue de faire cavalier seul, fidèle à sa stratégie d’accompagnement de toutes les mesures libérales prises par les gouvernements successifs depuis de nombreuses années.

Mais la position du secrétaire général de FO, Jean-Claude Mailly, a fait l’effet d’un coup de tonnerre et plusieurs fédérations professionnelles et Unions départementales FO défileront malgré tout avec la CGT. C'est le cas notamment de la fédération de la chimie - l'une des grosses fédérations de FO - qui a estimé, contrairement aux dirigeants confédéraux de l'Avenue du Maine, qu'il n'y avait rien de bon à retirer des ordonnances.

Plafonnement des indemnités prud’homales en cas de licenciement abusif, réduction des délais de recours, possibilité de négocier sans syndicat, inversion de la hiérarchie des normes dans plusieurs domaines, possibilité pour les multinationales de licencier dans l’Hexagone malgré des profits réalisés hors de France, etc… la réforme du gouvernement consacre pourtant des propositions patronales qui étaient considérées par FO comme des « lignes rouges » lors des débats sur la loi El Khomri en 2016.

« Qu’est-ce qu’il fout Mailly ? C’est quoi ce bordel ? On nous a fait descendre dans la rue pour moins que ça ! » a déclaré un responsable FO. Pourquoi un tel revirement de la part de FO ? Pour certains observateurs, la réponse est relativement simple :

Jean-Claude Mailly connaît bien la ministre du Travail, Muriel Pénicaud. Tous deux ont évolué dans les cercles des Aubristes au début des années 1990. La ministre actuelle est entrée au cabinet de l’ancienne ministre en 1991. Jean-Claude Mailly est un ami de longue date de Martine Aubry et il est d’ailleurs toujours membre du Parti socialiste. Les pourparlers avec le gouvernement ont été facilités aussi par la présence de Stéphane Lardy, ancien négociateur et pilier de FO qui est aujourd’hui membre du cabinet de Muriel Pénicaud, nommé conseiller chargé de la formation, de l’apprentissage et de la pénibilité...

Cette dernière mésentente syndicale est un révélateur supplémentaire de la crise grave du syndicalisme français et le nombre de salariés syndiqués continue de baisser. 7,7 % seulement de la population active fait partie d'un syndicat. Pour sept Français sur dix, les syndicats ne sont pas représentatifs.

Malgré les chiffres officiels communiqués par les différentes confédérations syndicales et l'idée d'une resyndicalisation lancée régulièrement par leurs responsables, celles-ci continuent à perdre des adhérents, notamment dans les secteurs de l’agro-alimentaire, l’enseignement privé, la confection-cuir-textile, le  bâtiment, l’industrie du bois ou les commerces et services. Seuls les « bastions syndicaux » dans le secteur public ou semi-public  semblent conserver une présence syndicale significative (Éducation nationale, RATP, La Poste-France Télécom, SNCF, etc.). 7,7 % seulement de la population active fait partie d'un syndicat. Pour sept Français sur dix, les syndicats ne sont pas représentatifs.

En ce qui concerne les effectifs globaux nationaux, ils sont sensiblement inférieurs à ceux revendiqués par les directions des différentes confédérations, selon deux universitaires spécialistes du monde syndical français, Dominique Andolfatto et Dominique Labbé :
  • CGT : 525 000  (au lieu des 700 000 revendiqués)  
  • CFDT : 450 000 (870 000 revendiqués)
  • FO : 310 000 (500 000 revendiqués) 
  • CFTC : 95 000 (150 000 revendiqués) 
  • CFE-CGC : 80 000 (160 000 revendiqués)  
Soit un nombre total de 1 460 000 adhérents selon ces deux universitaires contre 2 380 000 revendiqués par les cinq confédérations syndicales représentatives. Les chiffres avancés par les organisations syndicales sont très optimistes car elles comptent généralement 1 adhérent à partir de 8 à 10 cotisations mensuelles payées au lieu de 12 au titre d'une année civile.

Quand on sait que la CGT comptait en 1948, à elle seule, 4 000 000 d’adhérents, que la seule Fédération allemande de la Métallurgie IG Mettal compte aujourd’hui près de 2,5 millions d’adhérents, que la Suède compte 2,7 millions de syndiqués pour une population active de 4,5 millions de personnes, on mesure la faiblesse et le recul syndical dans notre pays.

Mais aucune des trois principales organisations CGT, CFDT et FO ne veut contribuer à une nouvelle donne en France en formant une seule et nouvelle organisation syndicale. Quant aux autres centrales, elles restent marquées par de fortes spécificités (la défense de l’encadrement uniquement pour la CFE-CGC, la référence à la chrétienté pour la CFTC ou la forte tonalité catégorielle pour l’UNSA) et n'entendent aucunement se remettre en cause.

Pourtant, une seule confédération syndicale permettrait de peser davantage auprès des pouvoirs publics et de redorer le blason d'un syndicalisme dans un monde en pleine évolution. Mais en matière de syndicalisme, comme en politique ou dans la haute fonction publique, le conservatisme est souvent de mise lorsqu’il permet de rester bien au chaud dans son petit nid douillet avec voiture de fonction et chauffeur, entouré de permanents fonctionnarisés, le tout financé principalement par des financements publics ou des directions d'entreprises et accessoirement par des cotisations syndicales…


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